Libye :
Suite aux « tensions » entre militaires et politiques, une réunion d’urgence s’est tenue vendredi dernier dans la soirée. Le sujet de discorde semble bien être l’appel à une intervention militaire française dans le sud de la Libye. Le pays qui n’a plus grand chose d’un Etat (et qui ne l’était déjà pas vraiment du temps de Kadhafi) est en train de s’effondrer. Des réseaux djihadistes s’y implantent, notamment ceux de la mouvance de Belmokhtar… De là de nombreuses demandes à une (nouvelle) intervention Française.
De nombreux experts expliquent les raisons de cette nécessaire intervention française. Rappelons juste ici les raisons de ne pas y aller (en gardant en mémoire, qu’il n’est jamais bon en France d’émettre des critiques et/ou des réserves concernant les affaires militaires). En premier lieu, les règles internationales que nous ne cessons d’enfreindre et qui ne nous autorisent pas à intervenir partout où cela semble nous convenir, en tout premier lieu au sein d’un Etat souverain aux frontières garanties par la même communauté internationale… Mais l’essentiel est ailleurs : l’armée Française est étirée en Afrique en différentes opérations militaires en cours. Engagée au Mali et en RCA, notre armée s’y épuise (je ne parle pas là d’enlisement) en de nombreuses opérations face à un adversaire mouvant. Les politiques qui ne cessent d’engager toujours plus nos forces sont aussi ceux là même qui ont fortement contraint son budget et réduit son niveau d’équipement. Ce sont les mêmes qui ont refusé pendant près de vingt années d’intervenir ponctuellement contre des groupes djihadistes au motif que l’adversaire était ailleurs. Enfin, intervenir dans le sud Libyen pose immédiatement la question : avec qui ? L’UA (à regarder l’efficacité des contingents déployés au Mali et en RCA nous pouvons légitiment douter) ? L’UE (dont on mesure chaque jour davantage la solidarité) ? L’OTAN (juste pour complaire au nouveau grand ami américain) ?
Arabie Saoudite :
Le Roi a émis un décret (décret royal) concernant les djihadistes saoudiens en Syrie leur enjoignant de revenir au pays, tandis que l’ambassade d’Arabie Saoudite en Turquie annonçait mettre en place des mesures pour faciliter leur retour. Il ne s’agit rien de moins que de permettre aux « personnels » saoudiens déployés en Syrie de rentrer tout en les épurant des takfiristes (que le régime saoudien entend laisser sur place). Si cette annonce constitue un double aveu saoudien : celui de la présence de personnels saoudiens combattants en Syrie (dont certains sont détenus par les services syriens), et celui de l’échec au renversement du régime Syrien ; elle est aussi source de questionnement.
Les Etats-Unis sont actuellement à la manœuvre afin d’éviter à l’Arabie Saoudite un échec diplomatique sans précédent. La Syrie, par le biais de son ambassadeur Al-Jaafari, entend déposer avec l’appui de la Russie un acte d’accusation pour soutien au terrorisme à l’ONU sur le rôle de l’Arabie Saoudite dans la guerre en Syrie. Il s’agit pour les Etats-Unis à la fois d’éviter un tel acte d’accusation envers leur allié dans la zone ; de préserver leurs relations avec la Russie ; mais aussi de faire pression par ce biais sur les changements en cours au sein du pouvoir saoudien alors que se profile la visite du Président Obama en Arabie Saoudite fin mars. Il convient d’analyser en ce sens aussi le désir américain d’ouvrir le cycle de Genève II à la Turquie puis à l’Iran afin d’absorber l’échec saoudien. Selon diverses sources, il semblerait que le prince Bandar Ben Sultan (actuel patron du GID et possible héritier – clan Suddei) et le prince Saoud Al-Faycal (actuel Ministre des Affaires Etrangères) soient sur le point d’être remplacés, le premier par l’actuel ambassadeur saoudien aux Etats-Unis Adel al-Joubair, le second le fils de roi, abdel Aziz Ben Abdallah. Si tel était le cas, il s’agirait d’une nette redistribution du pouvoir au sein du régime saoudien, et ce, alors que les conflits au sein de la famille régnante s’intensifient à l’aube d’une succession difficile.
Jordanie :
La Jordanie est confrontée avec les vagues massives de refugiés syriens à un nouvel élément d’instabilité politique, économique et social. Depuis le début du conflit syrien, le HCR dénombre 2,3 millions de réfugiés, dont 97% d’entre eux ont trouvé refuge au Liban, Turquie, Jordanie et Irak. Pour la seule Jordanie, le nombre dépasse les 600 000 réfugiés. L’UE a fourni pour 85 millions d’euros d’aide sous forme de coopération humanitaire et plus de 20 millions d’euros d’urgence de situation. Mais aujourd’hui, la monarchie jordanienne redoute une conjonction des mouvements palestiniens et des réfugiés syriens et craint de devenir « la patrie alternative des palestiniens ». Ce faisant, elle refuse désormais tout réfugié syrien d’origine palestinienne, comme tout réfugié palestinien en provenance de Syrie.
La situation se dégrade de manière rapide. Bien que la légalisation des partis d’opposition soit récente (1992) le Front Islamique d’Action (FIA) joue désormais un rôle clé au sein de l’échiquier politique. Il a même profité de soulèvements en 2011 pour réclamer une diminution des pouvoirs royaux. ; rejoints en cela par les tribus bédouines en février 2011. Néanmoins, le conflit en Syrie, la crise politique en Egypte a permis à la monarchie jordanienne de retrouver certains appuis au sein de la société.
Mais le danger est là. D’autant plus important que la crise économique et sociale se développe : le taux de chômage est en hausse (14% et 30% pour les jeunes), les coupures d’eau et d’électricité sont quotidiennes et les ressources en eau s’épuisent. La pauvreté (fixé à 3,20 dollars/jours touche 15,2% de la population) gagne la classe moyenne et la présence des réfugiés ne fait qu’exacerber cette situation, tout en favorisant l’adhésion croissante à un islamisme radical. Les Frères musulmans, comme ailleurs, très actifs dans la redistribution d’aide, profitent de ce regain de colère pour tenter de déstabiliser le pouvoir. Des troubles majeures sont à craindre avec l’approche de l’été.