L’Histoire d’un géant…


Cela pourrait être l’histoire d’un industriel, d’un géant déchu dont les réalisations passées ne suffisent plus à lui assurer un avenir. Cela pourrait être aussi l’histoire d’un pays, l’histoire d’une nation en déclin, dont la grandeur passée ne suffit plus à lui assurer sa place dans le monde en devenir…
Ce sujet ne saurait être une surprise pour le gouvernement. Le sujet était parfaitement connu depuis plusieurs mois, notamment suite à la dernière publication des comptes d’Alstom, il y avait une baisse de CA de 22% et un cash-flow négatif (de l’ordre de 500 millions). Le gouvernement s’affole et gesticule démontrant avant tout la perte de capacité du politique.
La problématique n’est pas tant de savoir si GE ou Siemens doit être le repreneur, mais quel est le projet industriel ? Nous allons vers un démantèlement (élimination d’un concurrent pour Siemens, et pour GE une récupération de compétences par découpage / dépeçage) avec pour Bouygues du cash (logique) au regard de son portage actionnarial.
Les investisseurs sont dans une logique de fusion-acquisition leur permettant de créer de la valeur (boursière) via le biais de consolidation industrielle parfaitement anticipable : les entreprises gagnent de la valeur/argent sur de la croissance organique dans une économie en expansion, mais dans une économie en stagnation vous rachetez des parts de marché (ce qui explique que dans les dernières années nombres de sociétés se sont focalisés sur le développement de leurs trésoreries afin de pouvoir acheter des « proies » par absence de relais de croissance organique). Certains voient dans ces rachats un signe positif sur la situation économique européenne ou l’attractivité de la France… A mon sens, aucun signe positif y compris en termes macro-économiques mais réaffirmation d’une fin de cycle économique.
Nous allons entrer en fin de cycle économique. La multiplication des fusions-acquisitions n’est jamais bon signe (à terme) pour les marchés financiers (2000 ou 2007 pour les derniers épisodes). Par ailleurs, la plupart de ces fusions-acquisitions sont des échecs opérationnels (absence de réelle synergie et recherche de parts de marchés)… mais pas en termes de création de valeur financière (démantèlement ou dépeçage des entreprises).
Au niveau des entreprises, les fusions-acquisitions vont se poursuivre du simple fait que les liquidités sont abondantes, que leurs détenteurs sont à la recherche de moyens d’allocations faciles sans réflexion d’ensemble, et que les entreprises comme dit, dans une période de stagnation cherchent de la croissance externe par acquisition de parts de marchés…
Au niveau boursier : la capitalisation boursière des entreprises européennes, asiatiques et plus encore américaines, sont surévaluées de l’ordre de 20 à 40%. Nous sommes dans une bulle de liquidités. Et les bulles ne se dégonflent pas. Elles explosent… et lorsqu’elles explosent la crise des capitaux est là. Rassurons-nous, les médias parleront d’une simple « correction » boursière, largement attendue…. Rappelons un fait qui me semble important mais souvent mésestimé : les marchés financiers sont des lieux où l’on échange, non des biens, mais des anticipations… rien d’autre. (En ce sens les derniers propos de Yellen sont foncièrement inquiétants).
Au niveau financier, la non régulation va entraîner une nouvelle crise systémique par effondrement du marché des capitaux… il conviendrait de démanteler les banques dites systémiques dont la faillite pourrait être absorbée par les marchés. Pour rappel, la société générale a (fin 2013) des engagements à hauteur de 48 000 milliards de dollars…A-t-elle les fond propres en face ? Pour rappel encore, les fluctuations de l’indice Dow Jones de plus de 400 points à la hausse puis à la baisse en une seule journée (1000 points d’écart le 06 mai 2010)…s’agit-il d’évolution logique, rationnelle ? Pour rappel encore toujours, plus de 60% des opérations boursières sont le fait aujourd’hui de « trading algorithmique »… Pour rappel toujours, la somme mondiale des actifs financiers est aujourd’hui de 160 trillions de dollars. Là encore, y-a-t-il une réalité matérielle en face ? ou du vent que l’on brasse et rebrasse ?
Ne nous trompons pas, la finance est au cœur des affrontements à venir dans l’apparition d’un nouvel ordre (cf déclaration de Poutine, cf achat massif d’or par la Chine, cf multiplication des accords monétaires bilatéraux, …)
Au niveau industriel, les différents gouvernements n’ont eu de cesse depuis des décennies de définir un environnement économique défavorable, de confisquer la liberté de gestion et de faire dépendre nombres d’industries de l’Etat tandis que ce dernier appuyé par les syndicats favorisait le refus d’adaptation… tandis que le patronat français se pensent comme propriétaire des entreprises et des industries (cf Kron ou Lagardere…)… Nous n’avons que trop rarement constitué des rapports de forces mais exclusivement des rapports de faiblesse permettant aux Politiques de se présenter comme grand ordonnateur ou sauveur….
Au niveau économique, pas de retour de la croissance et pas d’amélioration profonde malgré les dires du ministre… Nous attendons une sortie de récession et un retour de croissance et elle n’est (toujours) pas là. Et, disons-le, elle ne sera pas là ! Aux Etats-Unis, en Europe, comme au Japon (et, là encore, je le redis une nouvelle fois, les abenomics ne marchent pas et ne marcheront pas !), les indices de vente à la consommation sont mauvais (y compris pour l’alimentation).
De ca fait, le problème est ailleurs : pourquoi nos entreprises (petites et grandes) ont disparu ou sont rachetées par des capitaux étrangers (textile, habillement, métallurgie, aluminium, automobile, agroalimentaire, …). Ont-elles toutes faites des erreurs de stratégies ? Etaient-elles toutes mal gérées ? Ou y-a-t-il plus réellement et prosaïquement un problème d’environnement économique (charges excessives, réglementation, orientation de l’épargne pour les besoins de l’Etat et non pour ceux de l’économie, …) ? Les « mesurettes » de servent pas à grand-chose comme d’ailleurs le plan de 50 milliards… Pas de baisse du chômage non plus car nous ne cherchons plus à produire de la richesse, mais juste à produire de la valeur… Les négociations concernant le Traité transatlantique en est le dernier exemple inquiétant…
La seule solution, à mes yeux, c’est de prendre ses pertes….
Pour conclure, dans son livre intitulé « Effondrement », Jared Diamond mentionne parmi les raisons pour lesquelles des civilisations anciennes meurent, l’incapacité de leurs élites à se représenter clairement le processus de bouleversement / d’effondrement en cours ou, si elles en ont pris conscience, leur incapacité à le prévenir en raison d’une attitude de défense « court-termiste » de leurs privilèges…
Mais, une autre lecture me semble possible : les acteurs économiques « testent » la France (l’exécutif français) à être en position / posture de prendre des décisions fortes sur des dossiers stratégiques. La réponse pourrait être simple : Alstom est stratégique pour la France, donc c’est moi l’Etat qui prend la décision et je prends celle de préserver ce cœur stratégique… L’enjeu est donc politique et concerne la crédibilité de notre exécutif. Sans réponse, nos autres fleurons économiques pourront devenir des proies en cas de difficultés.