PONZI…


Les mêmes responsables politiques qui louaient hier un euro fort (à 1.36), chantent désormais les louanges d’un euro faible (à 1.08), sans mesurer (apparemment) ni leurs propres contradictions, ni le niveau de leurs réflexions.
En premier lieu, le passage en moins d’un an, d’une parité à 1.36 à une parité à 1.08 est le signe d’une forte dépréciation de notre monnaie.
En second lieu, cette dépréciation monétaire favorise une baisse (relative) des prix des exportations et une hausse (elle aussi relative) des produits importés. Mais, pour être efficace, cette dépréciation monétaire (dévaluation) doit se faire face à vos principaux concurrents. Si, pour la France, 47% de notre commerce se fait dans la zone euro ; il n’en est pas de même de différents de nos partenaires européens : de 65% pour l’Espagne à 70% pour l’Italie. Dès lors, cette dépréciation monétaire n’avantage que les pays disposant d’une industrie majoritairement tournée à l’export en zone dollar, et en interne que les industries en concurrence zone dollar. Conséquence logique : les effets seront limités pour l’ensemble de la zone euro (mais plus importants pour la France que pour ces partenaires européens).
Troisièmement, cette dépréciation monétaire n’est pas suffisante pour restaurer la compétitivité de l’économie de nombres pays de la zone euro (Italie, Grèce, Irlande, Italie, Portugal, Espagne). Pour être efficace, cette dépréciation monétaire devrait atteindre des taux, selon les différents pays, de l’ordre de 12% (Portugal) à 22% (Italie).
Quatrièmement, puisque que la seule dépréciation monétaire ne peut réduire les écarts de compétitivité en cours au sein de la zone euro, ces derniers ne peuvent l’être que par des dévaluations salariales (coût unitaire de la main d’œuvre). Mais, de telles dévaluations salariales contractent la demande intérieure (70% du PIB des pays européens provient de la consommation intérieure) et donc induisent une récession (avec en complément une augmentation du ratio dette/PIB).
Au niveau monétaire, l’absence de variation du taux de change dans la zone euro issue de la monnaie unique engendre une perte d’ajustement compétitif. Au niveau économique, un rebond limité de l’activité est attendu. Au niveau politique, les conséquences des effets pervers des ajustements économiques par dépréciation salariale sont (malheureusement) connues. Pour différents pays (Grèce, Italie, Portugal, Espagne) la sortie de l’Euro cesse d’être un choix pour devenir l’unique stratégie de retour compétitif.
La politique du QE (Quantitative Easing) est une aberration économique. Nous sommes en train de perdre le contrôle de nos différentes politiques économiques.
Le Japon finance un déficit depuis 20 ans par émission monétaire. Le ratio dette/PIB dépassant désormais 240%, implique une fin prévisible : un effondrement monétaire. Le Japon est en outre un bon exemple de comparaison car il est en avance de situation démographique par rapport aux pays de l’Union européenne et aux pays de la zone euro. L’Union européenne commence à vieillir. Le Japon n’a pas accepté de faire le constat économique de son vieillissement démographique. L’Union européenne peut encore le faire.
Le pilier de la croissance économique repose au 2/3 sur la consommation. Une demande est alimentée par un besoin, un désir. Or, une population qui vieillit, consomme moins. Une population vieillissante signifie donc moins de consommation, impliquant donc aussi une croissance économique faible.
Il ne suffit pas de la décrire ou de le comprendre. Il nous faut adapter la soutenabilité de notre modèle de développement à celui de notre croissance économique. Ce qui revient à dire qu’il faut diminuer les dépenses publiques car sinon ce dernier devient structurel et chronique au détriment de l’avenir.
Au niveau boursier, il convient de prévoir un vaste mouvement de consolidation (OPA) afin d’assurer un développement externe par l’atonie de la croissance interne du CA des sociétés. Les banques centrales investissent de la monnaie par le biais de QE dans le seul but d’éviter un effondrement des marchés financiers. De ce fait, il n’y a plus aucune correspondance entre les résultats des entreprises et les valeurs boursières de ces mêmes entreprises.
L’indice français comme l’indice allemand est au plus haut ainsi que celui de wall street. Le Nikkei japonais a franchi les 20 000 points alors même que la monnaie japonaise s’effondre. Nous atteignons les limites d’un système boursier mis en place en 2009. A titre d’illustration, les entreprises américaines distribuent actuellement davantage de dividendes qu’elles ne réalisent de profits. Elles n’investissent que modérément, préférant racheter leurs propres titres.
Pour résumer, nous sommes au niveau économique comme au niveau boursier dans une fuite en avant. Nous gagnons du temps en maintenant haut les marchés financiers. Une bascule (correction) de la bourse, à commencer par la bourse américaine, est probable.
Les banques grecques sont confrontées depuis le début de l’année à une fuite massive de capitaux : 27 milliards d’euros en janvier 2015 soit avant l’arrivée au pouvoir de Syriza ; 15 milliards d’euros en février 2015 (soit pour ce seul mois, 7,5% du PIB qui a fui). Cette fuite des capitaux, au-delà de son impact fiscal, provoque un asséchement des liquidités dans l’économie, et risque de faire sauter en cascade les banques grecques.
La Grèce est en faillite. Dette publique : 315,509 milliards d’euros, soit 176 % du PIB. Les banques privées grecques sont en faillite. La Banque centrale de Grèce est gavée d’obligations de l’Etat grec, mais ces obligations d’État ne seront jamais remboursées. En clair : la Banque centrale de Grèce est en faillite. La Grèce est en défaut.
Véritable schéma de Ponzi, seule solution pour tenir encore quelques semaines de plus, au moins jusqu’en juin : il faut que l’Union Européenne prête en urgence quelques milliards d’euros supplémentaires à la Grèce !
Alexis Tsipras a averti par lettre en date du 15 mars Angela Merkel qu’il serait impossible pour Athènes d’assurer le service de la dette d’ici les prochaines semaines si l’UE ne distribuait pas à court terme une assistance financière au pays. « Étant donné que la Grèce n’a pas accès aux marchés financiers et en vue des pics attendus dans nos échéances de dette au printemps et à l’été… il est clair que les restrictions particulières de la BCE combinées à des retards de versement rendraient impossible pour tout gouvernement d’assurer le service de sa dette ».
Le bras de fer entre l’Eurogroupe et le gouvernement grec vise à faire plier ce dernier par cet étranglement monétaire et à faire perdurer une dépendance de la Grèce aux aides de l’Eurogroupe et de la BCE, voulant ainsi définir une défaite politique du gouvernement Tsypras (dangereux) tandis que dernier joue contre l’Allemagne la carte Podemos avec les prochaines échéances espagnoles.
La Grèce doit mettre en place rapidement un contrôle des capitaux mais en ayant conscience que cette mesure ne réglera pas l’asséchement des liquidités. Cette mesure, proposée par l’Eurogroupe se situe hors cadre juridique des accords euro ; mais un cadre juridique de « force majeure » le permet à l’instar de ce qui fut réalisée en 2013 à Chypre. Mais, de ce fait, l’Eurogroupe reconnait aussi que le gouvernement Tsypras peut prendre tout aussi légalement des mesures « de force majeure » hors cadre juridique des accords euro, comme une « renationalisation » provisoire (6 mois ?) de la Banque Centrale Grecque émettant ses propres euros…
L’Eurogroupe serait mis en face d’un choix stratégique : accepter l’émission d’euros grecs, soit les interdire de circuler hors Grèce, reconnaissant alors de facto un défaut grec… Un défaut de la Grèce sur sa dette ne serait pas catastrophique pour ce pays. La Grèce dispose d’un excédent budgétaire (hors paiements de la dette), d’un solde commercial positif. En cas de défaut, la monnaie Grèce sera mécaniquement dépréciée, favorisant un retour d’investissements étrangers et un regain touristique.
La problématique Grecque est jugée sur un mauvais plan de part et d’autre (Eurogroupe et Varoufakis) en se contentant d’utiliser une grille « théorie des jeux ». Le cadre de référence devrait être un cadre politique (donc stratégique). Toutes mesures que peut prendre la Grèce se situe dans un cadre « d’exception ». Ce dernier peut se situer dans le respect des normes, soit en contrevenant aux normes. Si nous nous contentons d’une théorie des jeux, nous omettons (consciemment ou inconsciemment) la dynamique stratégique : la démonstration politique du gouvernement Tsypras qu’il est souverain en dernier ressort de son pays, et pas l’Eurogroupe !
Les conséquences politiques d’une telle décision : une Grèce hors zone euro, c’est une Grèce qui se tournera vers la Russie avec affirmation souveraine. Un tag se retrouve régulièrement actuellement sur les murs en Grèce, Ελευθερία ή θάνατος (« La liberté ou la mort »), devise de la Grèce née lors de la révolution nationale de 1821.
Mais, au-delà, pour la zone euro, ne pas entrevoir les conséquences stratégiques est tout aussi dangereux. La sortie de la Grèce de la zone euro ne sera pas sans conséquences financières (douloureuses) ni sans répercutions : l’Espagne, le Portugal et l’Italie pointent déjà.