transtensions géoéconomiques


En cette fin d’année 2013, prenons le temps de réaliser un tour d’horizon des données et perspectives géoéconomiques des Etats-Unis, du Japon, de l’Union européenne et projetons-nous ensuite sur les attendus de la situation Française….

Aux Etats-Unis, les derniers chiffres du chômage sont officiellement bons : 7%. Mais si nous analysons l’évolution démographique américaine entre novembre 2012 et novembre 2013, ce sont 2,4 millions d’américains qui entrent dans la vie active selon la pyramide des âges et les statistiques migratoires… Or, les chiffres officiels de la part de population active américaine pour la même période sont en baisse de 500 000 américains, soit 2,9 millions d’américains qui, en un an, ont disparu des statistiques de l’emploi….. Si nous les réintégrons, le taux de chômage est alors de 11,5%…. et si nous intégrons les temps partiels nous atteignons les 15,6% !!!!!

Les Etats-Unis font faire défaut. Les conséquences à terme au niveau stratégique sont désormais évidente : non seulement un repli stratégique américain est inéluctable, mais plus encore les Etats-Unis ne respecterons désormais aucun engagement passé…

Au Japon, les derniers chiffres officiels sont mauvais avec notamment un taux de croissance de 0,3%… Or ce taux provient exclusivement de dépenses publiques donc en réalité de dettes supplémentaires…. 250% du PIB japonais de dettes ! Et désormais, il faut 7 euros de dépenses publiques pour produire 1 euro de croissance ! Le déficit commercial se creuse, la déflation se poursuit, ainsi que la dépréciation du yen face à l’euro comme au dollar. Certes, le plan de reconstruction d’infrastructures dans les zones du nord-est soutient le secteur du bâtiment. Tant que le Japon n’aura pas fait défaut, l’économie japonaise ne pourra pas repartir… et ce n’est pas l’annonce d’un nouveau plan d’injection de liquidités de 40 milliards qui modifiera la donne…. le problème n’est pas un manque de liquidités mais un problème de solvabilité….. Il est intéressant de comparer cela avec l’Islande qui vient de rendre solvable une partie des dettes des ménages….

Au niveau européen, quelques données inquiétantes (sans nous attarder sur celles issues des fameuses données PMI… enquêtes plus que données). D’abord au niveau économique, nous notons en moyenne zone euro une baisse de 2,1% des prêts aux entreprises.  Pour l’Espagne, le crédit au secteur privé a baissé de 19,3 % (entreprises) et de 5% (ménages). Pour le Portugal, cette part ménages a baissé de 6% et de 7,7% en Italie…. En France, si le Ministre de l’économie indique toujours que la croissance est de retour, il convient de regarder de près notre situation. L’augmentation de 0,2% de la consommation a compensée la baisse de 0,6% des investissements. Tandis que le commerce extérieur contribuait négativement (-0,7 point), la hausse des stocks a permis d’obtenir 0,5 point de croissance… Ce qui veut dire en réalité qu’à stock égal, le PIB de la France a diminué de 0,6% !

La situation des pays de la zone euro est donc dramatique. Nous achetons du temps depuis maintenant 5 années ;  nous achetons de plus en plus cher un temps de plus en plus court. Pour la zone euro, s’il apparaît nécessaire à beaucoup d’avoir une stratégie coopérative, une question fondamentale perdure : qui paye ?

La Grèce ne paiera pas ses dettes, comme d’autres pays. L’Italie, l’Espagne, le Portugal s’interrogent… Nous allons donc là aussi vers un défaut partiel au minimum, voire davantage, car en zone euro, nous ne pouvons payer en « monnaie de singe » comme actuellement le japon et les Etats-Unis le font…. Une bataille diplomatique et économique vient donc d’être lancée par la Commission (procédure initiée contre l’Allemagne), dont l’objectif est de faire « plier » l’Allemagne.  Soit les pays du sud explosent ou quittent la zone euro, soit nous resolvabilisons ces Etats dont la France par le biais d’impression monétaire ce que refuse l’Allemagne…  les économies de la zone divergent et les forces / dynamiques s’opposent.

De même, tous les pays ne peuvent tenter de bâtir leur croissance sur les exportations en zone euro via une baisse des salaires… D’abord parce que ces politiques (Espagne, Grèce, Portugal, Italie, …) entraînent des politiques déflationnistes…. Nous sommes en zone euro désormais en déflation. Forte pression déflationniste en Europe. Plus encore, cette pression devient structurelle et non plus conjoncturelle. Ensuite car nous n’avons pas intégré l’essentiel de la problématique : la crise n’est que le bruit d’une mutation profonde. Certains d’entre nos responsables estiment toujours que nous sommes face à une simple crise, et donc que la croissance reviendra naturellement très vite, très tôt…. Etrange raisonnement qui dure depuis 5 années. L’état final ne ressemblera en rien en l’état initial. La croissance ne viendra pas.

Le taux de chômage des jeunes en Espagne est officiellement de 57,4% et de 58% en Grèce (pour un taux de chômage global de 27%) ! Laurent Pinsolle sur son blog gaulliste libre (http://www.gaullistelibre.com/ – de nombreuses données de cet article sont issues de son blog) donne des chiffres pour l’année 2012 particulièrement inquiétant : « le nombre de suicides a augmenté de 26%. Médecins du Monde s’alarme du fait que près de 30% de la population vit désormais sans couverture sociale, avec une baisse des vaccinations et une augmentation de 21% des embryons morts nés. On peut également rappeler que le PIB a baissé de 25%, le pouvoir d’achat de la population de 40%, que le taux de chômage dépasse 25% et même 50% pour les jeunes, que le SMIC a été baissé de 22%, et même 32% pour les jeunes et enfin qu’1% de la population a quitté le pays en 2011 ! »…

De ce simple fait, soyons clairs : au sud du continent, non seulement la Grèce mais plus encore l’Espagne comme l’Italie peuvent désormais quitter la zone euro ! Au nord, l’Allemagne est en position de le faire. Car les deux politiques divergent : une politique monétaire adaptée aux pays du sud est destructrice de valeur pour l’Allemagne tandis qu’une politique monétaire adaptée à l’Allemagne est destructrice pour l’économie des pays du Sud… Bref, la politique monétaire commune n’est pas adaptée à l’ensemble de la zone euro ! De même, ne rêvons pas, les conditions macroéconomiques d’une union monétaire entre l’Allemagne et la zone euro ne sont pas réunies, et ce, malgré toutes les belles déclarations suite à l’accord sur l’union bancaire !

Il est intéressant de noter que différentes analystes économiques envisagent désormais le fait que l’Allemagne puisse raisonnablement quitter l’euro  même si les Allemands ne veulent pas en prendre l’initiative (notamment dernière étude de Patrick Artus de Natixis). Pour ce dernier, l’Allemagne devrait sortir de l’euro au regard de l’asymétrie des cycles entre l’Allemagne et le reste de la zone euro, l’affaiblissement des liens économiques entre l’Allemagne et les pays de la zone euro…  la crise de la zone euro a poussé l’Allemagne à développer son commerce extérieur hors zone euro. Ce qui implique aussi que pour conserver l’euro, il nous faut accepter la concentration croissante de l’industrie et des services en Allemagne avec les flux migratoires associés !!!! Ce qui est inacceptable. Comme est inconcevable le fait que tous les pays se lancent dans une politique économique basée sur l’exportation massive alors même que tous les pays voient leurs économies se contracter et leur demande intérieure se réduire !

Face à ces données inquiétantes, comment réagissent les marchés et les places boursières ? De manière totalement déconnectées de la réalité… Les commentateurs ne parlent que des marchés financiers… pas de l’économie… Logique, car les QE ne servent pas à l’économie mais aux seuls marchés financiers… Les niveaux de valorisation ne correspondent pas à la réalité. Une déroute boursière est à prévoir et pas seulement sur le marché action mais plus certainement (et plus inquiétant) sur le marché obligataire…. A titre illustratif, la BNP a des encours à hauteur de 48 000 milliards d’euros…. Quels fonds propres en face ? Autre exemple  que celui de la volonté de différentes aires géographiques de définir des monnaies communes : Koweït, Qatar, Bahreïn, Arabie Saoudite d’une part, mais aussi Kenya, Ouganda, Tanzanie, Rwanda et Burundi en Afrique… Autre exemple encore les transferts massifs d’or vers l’Asie via Hong-Kong… Autre exemple toujours, l’engouement pour les Bitcoins, qui démontre avant tout la suspicion envers les monnaies traditionnelles et la crainte d’un effondrement monétaire.

Il en est bien davantage au niveau de l’effondrement social….

Deux enquêtes (publiées semaine dernière) montrent que la situation économique et sociale se dégrade au nord de l’UE, y compris hors zone euro, et non plus uniquement dans les pays du sud de l’UE…. Ainsi l’enquête des médecins britanniques notant une nette augmentation des personnes hospitalisées pour malnutrition…. Au-delà, c’est bien sur le recensement des personnes bénéficiant de l’aide alimentaire (18% de la population américaine pour avoir un point de comparaison). En Grande-Bretagne, en quatre ans (2008 – 2012) nous sommes passés de 26 000 personnes bénéficiant de cette aide à 347 000 !  De plus en plus d’enfants sont concernés. En Grèce, aucun chiffre national n’est disponible, seuls des chiffres régionaux existent indiquant que dans certaines régions le taux d’insécurité alimentaire atteint les 60% ! En Espagne, 22% de la population vit officiellement sous le seuil de pauvreté et l’aide alimentaire concerne désormais directement 2,5 millions de personnes (sur une population totale de 47 millions) contre seulement 0,5 en 2008 ! Plus encore, le choc a été rude de découvrir pour les espagnols qu’il était désormais nécessaire d’ouvrir les cantines scolaires pendant les vacances afin d’offrir un repas complet par jour à des milliers d’enfants ! En Italie, avant 2012 aucune aide alimentaire n’était distribuée par la Croix Rouge. En 2012, ils sont 378 000 personnes ! En France, plus de 9 millions de personnes vivent au-dessous du seuil de pauvreté et 4 millions vivent d’aide alimentaire soit 16,5% de la population !

La situation économique et sociale s’aggrave donc et les décisions devant être prises seront avant tout politiques. En Italie, comme au Portugal, on s’interroge politiquement sur la dette publique et sur la nécessité de rester dans l’euro. Aux Pays-Bas, en France, en Grèce, les élections de 2014 verront de nombreux députés euro-critiques élus…  La Grande-Bretagne a remis en 2017 un vote sur la question européenne. En Allemagne, la coalition gouvernementale avec le SPD refuse à la fois davantage de solidarité envers les autres Etats et les euro-obligations. Plus encore dans le texte de l’accord de gouvernement entre les deux formations politique, est proposé qu’à l’avenir les plans d’aide aux autres Etats s’accompagnent obligatoirement d’une participation des pays aidés, bref d’une mise en application du précédent / modèle chypriote, à savoir la saisie de l’épargne…

Nous assistons donc partout à la montée de responsables politiques que nous nommons avec erreur populistes (Renzi et Berlusconi, Beppe Grillo, Marine Le Pen, etc…) mais aussi bien plus loin que la zone euro (Aam Admi Party en Inde, le parti du citoyen ordinaire)…. Avec erreur car les populistes, ce sont les peuples qui se sentent dominés, exclus, démunis, trahis, perdus, angoissés et en insécurité sociale, culturelle, physique, alimentaire, éducative et professionnelle y compris vis-à-vis de leur propres avenirs… bref, les populistes se sont ceux qui souffrent le martyr aujourd’hui confrontés qu’ils sont à la réalité…. en aucun cas, il ne convient de les stigmatiser car la dimension sociale est plus clivante que la dimension politique.

Le social c’est l’abandon des chiffres et le retour de l’humain, c’est la dignité de la personne vivant de son travail, fière de ce dernier comme de l’éducation qu’elle peut octroyer à ces enfants ; le social c’est la fatigue d’une journée de travail qui se termine dans la dignité d’un chez soi décent ; le social c’est la sécurité des personnes qu’elle soit culturelle, alimentaire, énergétique, professionnelle (nous devons sécuriser les personnes, pas les emplois), physique ou éducative ; le social c’est de vrais moyens de transports permettant de relier les centre urbains aux populations périurbaines….

Le FN devient un parti de laissés pour compte et donc devient de plus en plus porteur d’un simple message social dans une déliquescence du pouvoir politique ! De là, aussi l’aspiration dans l’opinion publique au renouvellement complet du personnel politique. En France, nous mesurons chaque jour le rejet de notre exécutif. Or, zéro désir de droite dans ce rejet de notre exécutif, mais bien une volonté sociale (les fractures françaises) de modifier le système…. Face à une formidable défiance envers la classe politique dans son ensemble et les « élites ».  Comment le peuple pourrait-il ne pas manifester ce dégoût de la politique et de la classe politique dans son ensemble lorsqu’il constate les rentes de situation de ce personnel politique qui ne vise qu’à se recaser par simple cooptation (Harlem Désir pour la troisième fois tête de liste aux élections européennes …. MAM et Morano pour l’UMP, ….). La parole politique souffre donc d’un discrédit absolu…. Les Français, comme d’autres peuples dans le monde non seulement ne croient plus en l’autorité politique mais ils commencent à ne plus écouter personne… Et dans les difficultés, de plus en plus, les batailles se livrent hors du champ politique mais se multiplient et se développent dans le champ social (sur le terrain sociétal).

Que comprendre au final ? Tous les grands avantages acquis, y compris sociaux, ont été pensés et réalisés durant des périodes durables de croissances fortes. Nous ne sommes plus dans ce cadre. Les possibilités ne sont plus les mêmes sachant que dans un horizon court et moyen terme, nous n’aurons plus de forte croissance. Alors quelle alternative ? Celle d’un retour aux fondamentaux et d’un discours social fort mais réaliste appelant aux sueurs et aux larmes car il n’existe pas de solution miracle et de court terme…juste un chemin pavé d’obstacles que nous devons surmonter ensemble (la Nation) car nous nous en sortirons ensemble ou pas du tout ! La France est une nouvelle fois face à son destin, celui d’abord de sa propre volonté !

Nelson Mandela


Nous avons accueilli la semaine dernière une éléve de troisième en stage d’observation. Ci-après la note réalisée par cette dernière concernant Nelson Mandela.

Nelson Mandela ou « Madiba » né le 18 juillet 1918 dans l’ancien Transkei, est mort le 5 décembre 2013. Homme d’Etat sud-africain ; il a été l’un des dirigeants historiques de la lutte contre l’apartheid avant de devenir président de la République d’Afrique du Sud de 1994 à 1999, à la suite des premières élections nationales non raciales. Il participe à la lutte non violente contre les lois de l’Apartheid, mises en place par le gouvernement du Parti national à partir de 1948. L’ANC est interdit en 1960, et la lutte pacifique ne donnant aucun résultat, Mandela fonde et dirige la branche militaire de l’ANC en 1961, qui mène une campagne de sabotage contre des installations publiques et militaires. Le 5 août 1962, il est arrêté par la police sud-africaine, puis est condamné à la prison et aux travaux forcés à perpétuité lors du procès de Rivonia. Dès lors, il devient un symbole de la lutte pour l’égalité raciale et bénéficie d’un soutien international croissant.
Après vingt-sept années d’emprisonnement dans des conditions souvent très dures, et après avoir refusé d’être libéré sous conditions, Mandela est relâché le 11 février 1990. Il soutient alors la réconciliation et la négociation avec le gouvernement du président Frederik de Klerk. En 1993, il reçoit avec ce dernier le prix Nobel de la paix pour avoir conjointement et pacifiquement mis fin au régime d’apartheid et permis le début d’une nouvelle Afrique du Sud démocratique. Après une transition difficile où de Klerk et lui évitent une guerre civile entre les partisans de l’apartheid, Nelson Mandela devient le premier président noir d’Afrique du Sud en 1994. Il mène une politique de réconciliation nationale entre Noirs et Blancs ; il lutte contre les inégalités économiques, mais néglige le combat contre le sida, en pleine expansion en Afrique du Sud. Après un unique mandat, il se retire de la vie politique active, mais continue à soutenir publiquement le Congrès national africain.
Malgré cela il est considéré comme le père d’une Afrique du Sud multiraciale et pleinement démocratique, qualifiée de « nation arc-en-ciel », même si le pays reste confronté à de graves problèmes d’inégalités économiques et de tensions sociales.

L’échec économique est aujourd’hui total. Selon le Rapport Economique sur l’Afrique pour l’année 2013, rédigé par la Commission économique de l’Afrique (ONU) et l’Union africaine, l’Afrique du Sud s’est ainsi classée parmi les 5 pays « les moins performants » du continent sur la base de la croissance moyenne annuelle. Le chômage touchait selon les chiffres officiels 25,6% de la population active, mais en réalité il touchait environ 40% des actifs. Quant au revenu des plus démunis de la population noire, soit plus de 40% des Sud-africains, il est aujourd’hui inférieur de près de 50% à celui qu’il était sous le régime blanc d’avant 1994. En 2013, près de 17 millions de Noirs sur une population de 51 millions d’habitants, ne survécurent que grâce aux aides sociales, qui leur garantissent le minimum vital. 43% de la population vit dans les townships et est touchée par une immense pauvreté avec moins de 260 euros par an. Chaque jour, 1 000 personnes meurent du sida et les morts du sida représentent 71% des décès chez les 15 – 49 ans. L’Afrique du sud fait face à une violence extrême, ce pays compte 500 000 viols par an. Ce qui explique que les femmes sont plus infectées que les hommes (59% des personnes vivant avec le VIH sont des femmes). On compte de même 16 000 homicides chaque année. Selon un sondage de l’ONU une femme sud-africaine aurait plus de chance de se faire violer que d’apprendre à lire.
Nelson Mandela a réussi la réconciliation entre les Noirs et les Blancs, il a également mis fin à l’apartheid. Mais le gouvernement lui n’a pas réussi a calmé la violence du pays. Mais avec sa mort son image et tout ce qu’il représente finiront par disparaître. Ceci ne signifie pas forcément la fin de la réconciliation entre Noirs et Blancs mais les homicides, les viols et la propagation du SIDA risquent de continuer a se développer ce qui conduirait progressivement le pays au chaos.
Le mythe de la « nation arc-en-ciel » n’est pas aussi réaliste qu’on le croit, le pays étant plus divisé que jamais, phénomène qui apparaît lors de chaque élection à l’occasion desquelles le vote est clairement « racial », les Noirs votant pour l’ANC, les Blancs et les métis pour l’Alliance démocratique.

IRAN nucléaire ou dénucléaire : un pivotement stratégique ?


Depuis de nombreux mois les Etats-Unis et l’Iran ont tenu des négociations bilatérales directes et secrètes sur le nucléaire, tenant informés les Russes des avancées mais pas les autres (notons que d’autres négociations secrètes bilatérales se poursuivent entre les deux pays concernant l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie et la normalisation des relations entre les deux pays)…. Se sentant écartée, la diplomatie française par le biais de Monsieur Fabius à fait volontairement capoter les premières négociations…. La gesticulation médiatique de notre Ministre des Affaires Etrangères me semble avoir été contre-productive, autant sur la forme que sur le fond nous faisant perdre l’essentiel de notre marge de manœuvre.

Plusieurs raisons expliquent cette position diplomatique. Tout d’abord une croyance ferme en la non-prolifération pour préserver la dissuasion nucléaire française. La France ne veut pas que dans la foulée d’un Iran nucléaire, la Turquie, l’Egypte et l’Arabie saoudite se lancent dans la course à la bombe. Seconde préoccupation majeure,  celle de la menace qu’une arme nucléaire ferait peser sur Israël. Mais il existe aussi des motifs plus subtils comme ceux résultants notamment de la façon dont l’Iran a essayé de manipuler la France dans l’affaire de la chercheuse Clotilde Reiss. Cette défiance française envers l’Iran n’est pas nouvelle. Sous Jacques Chirac déjà, la confiance était plus que réduite. Sous Nicolas Sarkozy, de même et François Hollande perpétue cette méfiance.

L’accord obtenu entre l’Iran et le groupe des 5+1 (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne, Allemagne) ne règle rien puisqu’il s’agit d’un accord intérimaire de six mois. Cela reste très important mais ce n’est qu’un premier pas, un pari. En quelque sorte des préliminaires devant permettre la mise en confiance de deux parties. En ce sens, cet accord intermédiaire est une bonne chose car il permet de tester les iraniens. Si les intentions des parties sont sincères, il est possible d’arriver à un accord mais ce sera au prix de nombreux efforts et d’’énergie des deux côtés. Mais ne pas omettre aussi qu’il reste à démontrer (par des actes) la volonté iranienne de ne pas acquérir l’arme nucléaire (j’en doute). Il est impossible de savoir ce que veulent réellement les iraniens, d’autant que les différents centres de pouvoir à Téhéran ne possèdent pas des avis commun sur le sujet, et notamment sur le fait de n’être qu’un pays du seuil… Pour Israël, et nombres d’experts, l’Iran ne cherche par ce biais qu’à gagner du temps….

Concernant le droit à l’enrichissement la situation est moins claire qu’il n’y parait.  Le texte de l’accord parle « du droit à l’Iran à avoir une industrie nucléaire » donc le droit en l’enrichissement. A l’inverse le Quai d’Orsay comme les Etats-Unis indiquent qu’il n’en est rien. Cela sera sans nul doute un point de discorde futur.

Surtout, les détails de l’accord vont octroyer immédiatement des avantages au quotidien des iraniens. Une partie des revenus pétroliers qui étaient gelés vont pouvoir être utilisé à différents achats. De plus, par l’espoir qu’il suscite, cet accord permet l’ouverture de représentations commerciales à Téhéran. Les Etats-Unis tempèrent cet enthousiasme mais vont ouvrir une représentation commerciale…

Alors pourquoi ce mouvement diplomatique, ce pivotement stratégique, et pourquoi maintenant ?

L’Iran doit rompre son isolement : Crise économique (en large partie issue des sanctions économiques) ; Crise sociale (peuple éduqué, ouvert à l’occident, démographie jeune et féminine ; mais aussi peuple désireux d’ouverture…) ; Crise politique (fracture entre les élites et le « peuple » développé par Ahmadinejad, fracture entre les mollahs et les aspirations de la jeunesse) ; Crise de classes (entre les pauvres, la nouvelle bourgeoisie iranienne y compris des mollahs, et celles des pasdarans)…

Les dernières informations laissent à penser que techniquement l’Iran est assuré de posséder les compétences techniques pour être un pays du seuil comme le Japon (cas japonais qui possède le savoir, les compétences techniques, les systèmes y compris les vecteurs, et le matériel fissible ; mais qui n’est pas une puissance nucléaire tout en étant en capacité de le devenir en quelques mois) ou comme Israël (cas israélien qui possède des armes nucléaires, mais ne reconnaît nullement en détenir). L’Irak est devenue un allié des iraniens ; Le jeu du Qatar et de l’Arabie Saoudite, finançant l’ensemble des mouvements sunnites fondamentalistes…

Un consensus est en train d’émerger au sein des dirigeants iraniens sur la nécessité de parvenir à un accord sur le nucléaire afin d’alléger les sanctions (inflation à 50% ; recettes pétrolières diminuées par deux en 2012) en parallèle de celui qu’il était impossible de parvenir à un accord sans reprendre les relations avec les Etats-Unis. Certaines sources laissent à penser que l’Iran envisage l’affirmation de son statut de puissance régionale par le biais d’un rapprochement avec les Etats-Unis. Il en est d’ailleurs de même aux Etats-Unis où nombres d’analystes admettent en fin qu’il est impossible de régler certaines crises du Moyen-Orient sans réintroduire l’Iran comme acteur.

Nous allons assister à un jeu subtil, un jeu persan…. Les iraniens sont aujourd’hui en position/posture de négocier/transiger, montrer d’abord une volonté, tester ensuite certains pays (Turquie, Israël, Etats-Unis, …) sur différents sujets, suggérer des pistes de négociation (car pour les Perses la négociation signifiera échanger….). Cette nouvelle approche ne constitue en rien en un renoncement aux objectifs stratégiques iraniens : rôle de l’Iran comme puissance régionale, sanctuarisation du régime, poursuite du programme nucléaire. Rohani n’est en rien un réformateur…. Il est juste pragmatique….

Mais, il convient aussi de noter que cette approche diplomatique, sorte de « normalisation » de la politique extérieure iranienne, peut avoir des conséquences sur les équilibres (précaires) de la politique intérieure iranienne. Rohani devra donc à la fois négocier avec les Etats-Unis et démontrer en interne que cette négociation n’affaiblit pas l’Iran. Des lignes rouges existent donc (soutien au Hezbollah) impliquant un équilibre subtil des forces politiques…

Mais, au-delà, existent surtout des motivations géopolitiques, et notamment les positions de quelque uns de nos partenaires : Israël, l’Arabie Saoudite ou encore le Qatar… L’Arabie saoudite redoute l’expansionnisme irano-chiite dans le monde arabe, que ce soit chez elle, à Bahreïn, en Irak, au Liban et bien sûr en Syrie… plus encore d’un Iran chiite puissance régionale nucléaire face à elle…

Deux pays sont à prendre en compte dans le suivi de la normalisation : Israël et l’Arabie Saoudite. Certes, Israël ne souhaite pas que l’Iran devienne une puissance nucléaire ; mais elle ne possède pas de différend stratégique avec l’Iran. Désireuse de garder son monopole nucléaire (qu’elle n’aura plus de fait), elle reste méfiante vis-à-vis de la levée des sanctions et plus encore d’une éventuelle normalisation des relations entre les Etats-Unis et l’Iran ; même si à plus long terme Israël pourrait bénéficier d’une telle normalisation.

Quant à l’Arabie Saoudite, sa méfiance / opposition repose sur des considérations stratégiques face à une volonté iranienne de domination régionale et d’opposition religieuse. Une normalisation des relations entre les Etats-Unis et l’Iran conduirait inévitablement au renforcement de l’influence de l’Iran et donc par ricochet à l’affaiblissement de la position saoudienne, mais plus encore par la fin du positionnement de l’Arabie Saoudite comme pays « musulman modéré » (ce qui est faux par ailleurs). Le positionnement et le soutien de l’Arabie Saoudite au nouveau pouvoir égyptien étant une suite logique de cette recomposition géostratégique.

La grille de lecture consistant  à décrypter les affrontements et tensions en cours au sein du monde arabe comme la résultante de l’opposition entre démocratie et intégrisme / Dictature est erronée. Il s’agit d’une vision importée. La grille de lecture efficience repose sur l’affrontement entre sunnites et chiites, dans un conflit pluriséculaire islam contre islam.

Dans ce contexte nouveau qui émerge, il serait bon que la France se positionne et n’assiste pas passivement à un tel bouleversement. Dès 2009, j’indiquai dans un dossier sur l’Iran que la France devait modifier sa perception de la problématique iranienne et donc devait infléchir sa politique à l’égard de ce pays. La France à des intérêts stratégiques et économiques à défendre en Iran qui ne sont pas nécessairement ceux des Etats-Unis. L’exemple du retrait de Peugeot du marché iranien (second marché de ce constructeur après la France avec 455 000 véhicules) suite aux pressions américaines est un exemple majeur. Attendons-nous à des conséquences…. Retrait de Peugeot, difficulté pour Total…. Mais potentiellement montée de Renault ?

Nous devons dépasser la vision poussiéreuse d’un pouvoir iranien monolithique, néo-conservateurs pour adopter une politique diplomatique plus active et plus réaliste, y compris aux regards des changements futurs au sein de la vie politique iranienne…