Quelles analyses des résultats de ce premier tour des élections présidentielles, dans ce qui ressemble pour la France, à un champ de ruines avant l’heure ?
La campagne a été primaire et relativement pathétique, ne correspondant à aucun moment aux véritables enjeux de notre pays. De fait, le discours politique s’est cantonné à l’affirmation de certitudes et d’évidences… Aucun grand discours mobilisateur avec une vision. La question centrale n’est pas de définir les mesures qui comptent, nous les connaissons et les français les connaissent ; mais bien de définir leur supportabilité, c’est-à-dire en réalité de poser et définir les trajectoires de sorties… vivrons-nous mieux dans 5 ans, 10 ans, qu’aujourd’hui ?
La réponse, pour évidente soit-elle ne va pas sans le dire ! Et donc, collectivement définir les bénéfices des « réformes » attendues permettant au corps social d’encaisser ces fameuses réformes qui ne serviront à rien tant l’ampleur demande en réalité de réinventer… Ainsi de l’école, des retraites, de la santé, de la protection sociale ou encore du travail… Et de l’Union européenne… Mais pour cela il faut modifier le cadre de raisonnement et donc in fine le système lui-même. Se pose alors la question de la capacité à emmener la nation, alors que la situation réelle de la France est niée par les différents candidats… La France est déjà l’Espagne, mais elle ne connaît pas encore l’austérité grâce au parapluie allemand !
Concernant l’appréciation des résultats, le taux de participation signifie que l’offre politique dans sa diversité était satisfaisante. Au-delà, cela confirme d’abord et avant tout l’analyse de l’un de nos billets précédents : la France est déclassée, profondément et durablement divisée voir éclatée, mais aussi fiévreuse et désireuse de révolution. Nous entrons bien dans des temps prérévolutionnaires.
Le vote populiste était attendu, il fut au rendez-vous-même si les instituts de sondage connaissent (a priori) des difficultés à analyser le vote des électeurs radicaux. Mais plus encore, concernant l’appréciation de ce vote, défini exclusivement comme un vote de colère, un vote contestataire… Il y a désormais une idéologie sous-jacente, celle de la remise en cause du cadre de référence et du système, car ce dernier pour des millions de personnes ne fonctionne plus. Voilà aussi pourquoi il est nécessaire de cesser toute idée de réforme et réinventer un cadre, un système social et économique permettant à la fois croissance et justice sociale. C’est certainement là où le Président Nicolas Sarkozy a failli. Les réformes annoncées par lui n’ayant pas toutes opérées (y compris le slogan « travailler plus pour gagner plus »), le système est défini comme inopérant. L’hypocrisie politique française est de ne pas accepter la revendication d’une action politique que l’on sait nécessaire mais que l’on ne veut pas voir évoquée. Et nous retrouvons cette idéologie populiste patrimoniale (suivant l’expression de Dominique Reynié) autant au FN qu’au FDG…
L’austérité est une politique. La croissance n’en est pas une et ne se décrète pas, y compris par son inscription dans un traité. Cette incompréhension économique réelle de part et d’autre va de pair avec la confusion entre le long et le court terme, entre l’équilibre budgétaire et l’éternelle dichotomie hausse des impôts / baisse des dépenses (quel que soit le Président élu, nous assisterons à une hausse de la TVA et de la CSG dans une clé de répartition de l’ordre de 40% de hausse des impôts et 60% de baisse des dépenses).
Au-delà, et plus fondamentalement, la dette française dépassera les 90% du PIB, contraignant le prochain Président à une politique incontournable induisant les conséquences déjà mises en évidence dans un billet précédent et ayant (déjà) provoqué une levée de boucliers de la part de responsables politiques…qui pourtant livreront globalement la même bataille, avec des instruments et des raisonnements intellectuels surannés !
LW