Petit tour d’horizon de fin d’année…


Au mois de novembre, les Etats-Unis et la Chine ont renouvelé la tête de leur exécutif. Barack Obama a été réélu face à Mitt Romney, second président démocrate après Bill Clinton à réussir cet exploit depuis 1945. Il a été réélu par les états du Nord-Est et du Pacifique, fortement plébiscité par les minorités ethniques (Afro-américains et Latinos), les jeunes (60% des 18-25 ans) et les femmes. Mitt Romney a été soutenu par les hommes blancs, les personnes âgées, et la couche aisée. En somme, deux Amériques bien différentes…
Barack Obama doit faire face à une situation économique fortement dégradée et à la « falaise fiscale »… la récession américaine sera violente. En matière de politique étrangère, les défis sont tout aussi importants : Iran, question Israélo-palestinienne, Syrie, Nord-Mali, et montée des autres puissances en Asie…Là, le sénat américain vient d’infliger un camouflet à la Russie et particulièrement à Poutine… Cela faisait des décennies que les Russes attendaient l’abrogation de l’amendement Jackson Vanik, cette provision datant de 1974, qui avait imposé des limitations au commerce avec l’Union soviétique. Depuis ce jeudi, les Sénateurs ont remplacé, à 92 voix contre 4, cet amendement à la loi régulant le commerce entre les deux pays par un autre amendement, qui représente un camouflet sévère pour le régime de Vladimir Poutine. Ce texte, connu sous le nom, de loi Magnitsky, impose des interdictions de visas et des interdictions bancaires aux officiels russes qui se rendraient coupables de violations sévères des droits de l’homme. (Sergueï Magnitsky, avocat russe de 37 ans, mort en prison dans des circonstances extrêmement suspectes après avoir dénoncé un cercle de corruption dans les plus hautes sphères du pouvoir russe). Ce jeudi, au moment où le Sénat passait au vote, Hillary Clinton, a dénoncé depuis Londres « les tentatives de resoviétisation de l »Europe de l’Est » et de l’Asie centrale par le régime russe. La question est de savoir jusqu’à quel point toutefois l’administration Obama, absorbée par sa crise économique et par les désordres à haut risque du Moyen Orient, aura la volonté et la capacité de s’investir de près dans le dossier de la Russie et de l’espace post-soviétique.
Xi Jinping, lui, a été désigné sur une lutte entre réformateurs et conservateurs en toile de fond ; avec lui aussi d’importants défis à relever : corruption (affaire Wen Jiabao), luttes politiques (Bo Xilai), baisse de la croissance économique, tensions sociales (18 000 incidents de masse recensés par les autorités chinoises officiellement !), mais aussi définition d’un nouveau modèle économique et mise en place d’une diplomatie de grande puissance … tel est aussi le sens des deux premières visites du nouveau leader : régime d’artillerie nucléaire (mettant en œuvre les missiles nucléaires stratégiques chinois), Sghenzen zone économique spéciale avec visite port de pêcheurs (allusion à Deng).
En Asie, le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un a décidé de tirer une nouvelle fusée afin de commémorer la mort de son père le 17 décembre dernier, malgré sa réticence à donner l’image d’un pays agressif… Le Japon, quant à lui, à l’instar de nos précédents écrits d’octobre et novembre, une fois les élections législatives passées, a lancé un nouveau plan de mise à disposition de liquidités…illimitées….
En Afrique, la situation se tend au Nord-Mali, mais aussi, on l’oublie, au Nord-Kivu (République Démocratique du Congo) où de nouvelles exactions ont lieu menés par des seigneurs de la guerre (notamment le M23) et soutenu par le Rwanda…
Au Moyen-Orient, l’Iran se voit fortement pénalisé par la chute du rial, une inflation dépassant dorénavant les 50% (le prix du pain a triplé depuis janvier). Israël a procédé à l’exécution ciblé d’un dirigeant du Hamas (Ahmad Jaabari), provoquant une nouvelle vague de tirs de roquettes y compris jusqu’à la banlieue de Tel-Aviv… En Egypte, en Syrie, en Tunisie, la situation là aussi se tend…
Le président Mohammed Morsi, tout auréolé du succès de son entremise dans le conflit israélo-palestinien, a fait un coup de force : il s’est arrogé, par une « Déclaration constitutionnelle », le pouvoir d’édicter des lois et des décrets qui échappent à la censure des tribunaux et a interdit à la Haute Cour constitutionnelle de se prononcer sur toute demande relative à la Commission constitutionnelle, alors occupée à rédiger le projet de Constitution. Cette déclaration devrait aussi permettre de juger une nouvelle fois des responsables du régime précédent, c’est-à-dire de les condamner à des lourdes peines, puisqu’on doute qu’il s’agisse de les rejuger pour les absoudre. Enfin, il a en profité pour limoger à nouveau le Procureur général. La récente adoption du projet de Constitution par la Commission consultative jette un éclairage nouveau sur ce coup de force. On sait que celle-ci vient d’approuver l’ensemble des articles de la Constitution alors qu’il lui restait encore deux mois de délais pour le faire. Cette sortie va se faire au bénéfice des forces politiques conservatrices et, plus particulièrement, islamo-conservatrices. Morsi a été élu par tous les Egyptiens, pas uniquement par les Frères Musulmans. Or, aujourd’hui les Frères Musulmans utilisent le même logiciel que le précédent avec l’islamisme en plus….Ce qui importe, maintenant, ce sont, déjà, les étapes suivantes : les législatives, qui vont suivre, et les premiers mois de fonctionnement du gouvernement constitutionnel qui en sera issu. Pour l’instant, ce sont les libéraux qui, depuis presque le début du processus, s’arcboutent pour ne pas en sortir. Cela se comprend, dans la mesure où ils savent que – compte tenu du rapport de force – cela ne peut se faire qu’à leur détriment. Pour autant, le président Morsi n’a plus les coudées aussi franches qu’il l’aurait souhaité. La réaction d’une partie de la population égyptienne et l’unification de l’opposition indiquent que les jeux ne sont pas faits, ni dans un sens ni dans l’autre. Nous assistons donc à la mise en place d’une sorte d’équilibre entre le président Morsi et les Frères musulmans d’un côté, et une partie de la société civile, l’Armée de l’autre se positionnant au centre du jeu, ce qui indique que cette dernière est toujours au cœur de la vie politique égyptienne.
En Syrie, la situation se dégrade. Selon différentes informations (non vérifiables en l’état) les responsables syriens auraient préparés des bombes chimiques au gaz sarin… Pour éviter à la fois l’emploi d’armes chimiques mais aussi leur éventuelle prise par des djihadistes, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France s’apprête à mener des opérations ; soutenus en cela par des pays limitrophes comme la Jordanie. Les Etats-Unis viennent de positionner un porte-avions dans la zone (Porte-avions Eisenhower). Pour la France, il s’agirait d’utiliser des forces spéciales afin de mener des opérations visant à prendre, sécuriser et rapatrier des armes chimiques. La décision est à la seule appréciation du chef des armées, à savoir le Président de la République. Mais, à l’évidence, les responsables gouvernementaux français actuels confondent l’ASL (Armée Syrienne Libre à forte émanation djihadiste, soutenu par certains groupes islamistes Turcs et financés par l’Arabie Saoudite) et certaines factions politiques membre du Conseil National Syrien… Encore en plus en les confondant avec la Coalition Nationale soutenue par le Qatar et reconnue par la France… Quant aux instances politiques, mis à part quelques réels démocrates, l’essentiel sont issus des Frères Musulmans…
Les Turcs ont demandé et obtenu de l’Otan des batteries Patriot pour protéger leur territoire et population. Il s’agit d’une demande plus politique (garantie de réassurance et expression de solidarité de l’Alliance) que réellement opérationnelle face à une menace. Mais, une question, pourquoi la France n’a-t-elle pas proposé le déploiement de système SAMP/T franco-italiens ? N’y avait-il pas là une opportunité politique, industrielle et économique, et ce alors même que lors de la dernière rentre FH / Monti la décision de faire évoluer le SAMP/T vers l’antimissile balistique a était prise ?
Si effectivement, nous ne pouvons prendre le risque que des armes chimiques tombent entre les mains des groupes djihadistes, ou qu’elles soient utilisées contre le peuple syrien, cette situation est d’abord la résultante de mauvaises appréciations et mauvaises décisions. Le Président Hollande risque d’engager la France sur de mauvaises décisions, suite à de mauvais diagnostics sur le conflit syrien…. Comme on le constate aujourd’hui, et comme je le disais déjà cette date, les printemps arabes n’instaureront pas la démocratie. Leurs auteurs n’en ont malheureusement pas l’intention… A l’évidence, nous n’avons pas fait le choix de soutenir les véritables démocrates… mais celui d’armer à répétition des rébellions ayant adhéré au djihadisme….Et ce sont d’abord les populations locales qui sont les premières victimes….
En Tunisie, les mouvements sociaux (liés essentiellement à une situation de frustration sociale) se généralisent et les heurts se généralisent, dernièrement dans le nord-ouest du pays. Aucune amélioration des conditions économiques et sociales depuis la révolution, mais au contraire aggravation de la situation économique… et donc dégradation du niveau de vie. Le chômage augmente. Le gouvernement est alors perçu comme inefficace tant au niveau économique que sécuritaire. La question du religieux dans la société divise profondément la Tunisie. D’un côté des libéraux, à priori minoritaires ; de l’autre une frange majoritaire de la population attachée à une identité culturelle et religieuse musulmane et ayant des valeurs conservatrices mais qui n’est pas désireuse d’instaurer un ordre religieux. Les fondamentalistes restant très minoritaires. Nous assistons là, à des rapports de force entre différentes partis de la société civile tunisienne mais aussi politique. Le consensus politique national sera difficile à trouver, mais heureusement, les médias sont de réels contre-pouvoirs, on a pu le constater dans le cas du viol de la jeune femme…
Enfin, l’Europe… L’Union européenne est à la peine, le dernier conseil a été un échec ; les élections en Catalogne donnent la majorité à des partis tentés par l’autodétermination ; la Grèce s’enfonce chaque jour davantage entraînant une nouvelle dégradation de sa note et une notation de défaut partiel… Le FME lui-même voit sa notation dégradée… Les tentations sécessionnistes se généralisent : en Europe, aux Etats-Unis, mais aussi au Brésil du fait de la manne pétrolière de Prè-sal… la volonté de partager les richesses s’estompe en ces temps de crise… avec celui d’un destin commun.

Un monde en trans-tensions (2)


Au niveau économique, la planète entière est entrée en récession économique. La baisse actuelle et à venir du commerce international n’étant qu’un indicateur supplémentaire… La Chine vient de confirmer une nouvelle baisse de sa croissance économique, y compris avec des chiffres officiels en dessous des taux nécessaires à l’intégration des nouveaux travailleurs. L’économie indienne est en difficulté, tout comme sa monnaie, engendrant une nouvelle défiance des investisseurs. Le système financier occidental est officiellement insolvable. Le système financier asiatique l’est officieusement ; tandis que la Russie tente de manière précipitée de constituer une réserve financière. Les États-Unis tentent de modifier leurs différents indicateurs économiques afin de masquer la réalité de l’état de leur économie…et de leur monnaie. Ce qui signifie qu’il n’existe plus de moteur de croissance mondial… tandis que nous assistons à une évaporation régulière de la richesse mondiale…
Malgré tout, pour le moment, les États-Unis restent au centre du jeu alliant différentes caractéristiques : allié et adversaire, partenaire et ennemi stratégique, modèle de développement mais repoussoir social, partenaire et concurrent économique… Mais là encore, leçon de l’Histoire, c’est la puissance qui domine l’ordre international et qui devrait en être le garant, qui lui porte les coups les plus rudes…
Le second semestre 2012 et plus encore l’année 2013, vont coïncider avec une intensification planétaire des mutations en cours ; et donc à une intensification de la crise touchant désormais l’ensemble des principales puissances économiques : Union européenne, États-Unis, Chine, Brésil, Inde, Russie, … Les suites de l’affaire Bo Xilai montre que la Chine est à l’aube d’une nouvelle campagne anti-corruption ; en réalité une campagne d’assainissement politique au profit du régime, tandis que deux sensibilités politiques (pas encore des lignes politiques) se font jour (Hu Jintao et Xi Jinping versus Wen Jiabao, Li Keqiang et Wang Yang). Les dysfonctionnements internes doivent être l’objet d’une remise en cause du régime à l’heure où le ralentissement économique se fait jour ; mais ils mettent à jour un flottement à la tête du parti chinois. Plus encore, diverses affaires montrent qu’il est désormais important d’éloigner les étrangers trop zélés…
Au Proche et Moyen-Orient, là aussi, des trans-tensions importantes sont à l’œuvre actuellement, que ce soit, en Arabie Saoudite où la famille saoudienne se renferme sur elle-même alors qu’un processus d’éclatement est en cours en son sein suite au décès de Nayef… en Jordanie, à Bahreïn, mais aussi dans l’ensemble des pays dits arabes… Confiscation des révolutions ? Il s’agit là, malheureusement, d’un cas classique au regard de l’Histoire : toute révolution est détournée et les premiers à y perdre sont toujours les révolutionnaires…
A contre-courant des opinions occidentales et experts médiatiques enthousiastes (et naïfs), la démocratie n’allait pas apparaître subitement…le pouvoir dans ces différents pays est tombé (logiquement) aux mains des seules forces politiques structurées : d’une part les armées et services de sécurité, de l’autre les forces religieuses fondamentalistes (soutenues financièrement par les pétromonarchies théocratiques de l’Arabie Saoudite alliée des Etats-Unis au Qatar allié de la France…)
De la Tunisie à l’Égypte, les partis religieux fondamentalistes (Frères musulmans et salafistes) se partagent donc le pouvoir « parlementaire » dans une forme de co-gestion avec les forces militaires (qui sont aussi les acteurs économiques dominants). Bien évidemment, ne pas croire ce qu’ils disent. Ainsi des Frères musulmans annonçant au printemps 2011 sur la Place Tahrir qu’ils n’aspirent pas au pouvoir… Aujourd’hui ils revendiquent à la fois la présidence de la république, la majorité parlementaire… l’intégralité du pouvoir politique…puis de la société… En Tunisie des comités de vigilance religieuse sont apparus… En Égypte une chaîne réservée aux femmes voit le jour, une chaîne burqa !!!! Malheureusement, face à ces forces, celles démocratiques sont sans moyens (notamment financiers), et seront dénoncées et combattues comme d’inspirations étrangères…puis impies !!! Demain boucs-émissaires ?
Au-delà de la Tunisie et de l’Égypte, si la Libye et le Yémen ont déjà sombré dans la confusion ; la Syrie retient toute l’attention médiatique planétaire. Oui, Bashar el-Assad est un dictateur de la pire espèce…Pour autant, et sans aucune complaisance avec lui ni son régime, depuis les années 80 (1980 massacre d’Alep puis 1982 massacre de Hama) le pays a basculé dans une forme de guerre civile… Ensuite, le régime syrien actuel n’est ni le régime d’un homme seul, ni celui d’une famille. En Syrie nous sommes confrontés à un régime communautaire complexe et malheureusement le départ de Bachar El Assad ne modifierait en rien la réalité des pouvoirs et des rapports de force interne… Derrière Bachar El Assad, il y a non seulement l’ensemble des Alaouites mais aussi d’autres minorités (dont des Chrétiens). N’omettons pas aussi que les Alaouites sont considérés par les sunnites (majoritaires), non pas comme Chiites mais comme apostats… Dès lors, proposer comme seule solution, celle d’un régime sunnite à ces populations signifie simplement des luttes encore plus féroces !!!!
Nos déclarations politiques actuelles ne font qu’ostraciser plus encore des minorités (certes violentes) mais qui luttent pour ce qu’elles considèrent comme l’espace de leur survie. Aujourd’hui, le chemin le plus probable pour la Syrie est malheureusement celui de la guerre civile libanaise…Au-delà, si les États-Unis semblent vouloir (diplomatiquement) accepter un compromis avec l’Iran dans une posture nucléaire de seuil ; il est à craindre de part et d’autre que cela ne suffise pas…
Mais ces problèmes stratégiques semblent bien lointains à une Union européenne, empêtrée dans une incapacité à penser et à agir au sein d’une crise, certes économique, mais dont les dysfonctionnements sont d’abord et avant tout politiques… Ainsi, comment ne pas constater (très logiquement et surtout sans mésestimer les motifs allemands) que le SPD et le CDU se sont retrouvés sur la position budgétaire allemande… Que la position de la France est aujourd’hui fragilisée politiquement et stratégiquement ; alors même, répétons-le, que la France constitue à la fois le maillon faible et le pivot de l’Union européenne ; union politique qui ne peut être une simple continuité de la France…
Face à des logiques abusivement nationales, prônant des actions et solutions exclusivement nationales, démontrant la fin du consensus politique européen ; il est à craindre pour les pays de l’Union européenne et la France, un fort ajustement à la baisse de la richesse par habitants, avec une réduction de l’ordre de 30 à 40 %…. Après la disparition des consensus politiques et la montée des extrémismes, y compris comme recours, nous allons assister à l’éclatement des consensus sociaux…  La tyrannie des petites décisions, chaque État se préoccupant de ses intérêts nationaux sans esprit de coopération ; l’absence de perspectives ; l’effondrement des solidarités européennes, intra-européennes, nationales ; dans différents pays risquent de lier à la crise économique des crises sociales et sécuritaires, par l’effondrement partiel ou total selon les cas, des différents systèmes sociaux ; avec à terme des crises militaires dans une interaction conjoncturelle. Les tentations, puis peut-être, les tentatives de reprendre par la force le contrôle de zones et de richesses en train d’échapper aux différents pouvoirs politiques pourraient aboutir sur le territoire européen mais aussi occidental à des opérations armées. Paraphrasons Winston Churchill : vous avez voulu éviter la guerre sociale au prix de la dette. Vous avez la dette (et la faillite). Et vous aurez la guerre sociale….
Le printemps 2013 sera donc tout autant crucial pour la zone européenne, fût-elle à 27, à 17 ou à moins ; que pour l’Asie ; le continent américain et tout particulièrement la puissance américaine ; que pour l’espace arabe et Proche / Moyen-Oriental. Mais, bien au-delà, les dix-huit mois à venir vont être porteurs de ruptures géostratégiques importantes… En ce sens, les temps à venir de ce monde en trans-tensions vont être « fascinants »…

Faux débats, vrais sujets…


Notre modèle de vie, ce que nombres de commentateurs nomment modèle de société n’est pas compatible avec d’autres modèles dans une même zone… De ce constat simple découle une cruelle vérité : pourquoi une union monétaire et une mutualisation des dettes ? La France vit dans une bulle confortable : pas de véritable baisse du pouvoir d’achat, retraites préservées, aides sociales, santé, …les Français n’ont pas le sentiment d’une crise catastrophique. Ont-ils conscience des ajustements nécessaires, des décrochages économiques, mais aussi du probable défaut de certains organismes financiers européens ? La France doit profiter – rapidement – du reste de crédit que les marchés financiers lui accordent pour prendre les mesures qui s’imposent…
Or, la France veut régler les problèmes de la zone euro avec le crédit de l’Allemagne, ce que, bien évidemment, les Allemands ne veulent pas… Mais, lorsque Merckel prend Cameron à témoin, il ne s’agit pas d’un changement d’alliance ni de la fin du couple Franco-allemand… Elle ne fait qu’indiquer à François Hollande qu’elle peut, elle aussi, modifier la donne. En réalité, la France et l’Allemagne sont indissociables dans le rétablissement de la confiance à l’échelle européenne, alors même que le périmètre de la zone euro va être repensé… Crise des subprimes, crise financière, crise des dettes souveraines, crise de la disparité de la zone euro…nous sommes entrés désormais dans une crise de l’euro… L’implosion de la zone euro viendra (ou pas) de l’implosion du système bancaire…
Différents pays du sud tentent de faire chanter l’Allemagne au risque de faire imploser / exploser l’ensemble du système européen. En Europe, l’Espagne est en ligne de mire, l’Italie sera prochainement attaquée, alors que l’Allemagne va connaître à son tour une pression bancaire et que la France constitue autant le maillon faible que le pays pivot. Nous pouvons anticiper que l’Allemagne sera mise en difficulté à l’automne ; la France avant…
Nous devons regarder la réalité, y compris lorsqu’elle est désagréable…. Le rapport de forces entre européens se tend tandis que le consensus politique disparaît… L’une des questions fondamentales qui se pose aujourd’hui concerne la capacité des sociétés européennes à supporter un certain nombre de tensions… L’union européenne est dans un processus régressif… La liberté est fragile : les quatre libertés du marché unique (biens, personnes, capitaux, services) mais plus encore les libertés fondamentales… L’union européenne peut-elle sombrer ?
Le vote grec sera donc déterminant. Attention toutefois là à ne pas confondre rationalité et épreuve des faits. Il n’est pas rationnel d’imaginer que la Grèce quitte la zone euro ; cela ne signifie pour autant pas que cette sortie n’aura pas lieu… Et le cas ne sera pas isolé ; réaction en chaîne de défauts souverains de la Grèce à l’Espagne, de l’Italie au Portugal et à la France…de l’Europe à l’Amérique, mais aussi à l’Asie…
Parallèlement nous assistons à la fin de l’ère dollar (que Hong-Kong anticipe aussi). La puissance américaine, à l’instar de celles des pays composant la vieille Europe ; à défaut de redressement ; repose sur des bases déclinantes. Si la Russie se comporte relativement bien, les tendances à moyen terme sont elles aussi inquiétantes. La croissance ralentit en Asie et tout particulièrement en Chine. Comment interpréter la troisième baisse des réserves bancaires chinoises ? Sa production industrielle est, elle aussi, en forte diminution. Il en est de même en Inde. Au Brésil, la croissance ralentit aussi. Autant de zones économiques différentes dans lesquelles les modèles de croissance, sont, ou vont être, remis en cause…
Crise de modèles. Le monde ancien que nous avons créé est en train de disparaître. L’ancien monde meurt. Nouveaux modèles de croissance nécessaire mais aussi nouveaux modèles politiques. Le monde nouveau commence à naître… difficilement. Nous sommes au bout des solutions classiques. Il faut aller au-delà et aboutir. Les lames de fond sont là, autant de circonstances précipitant les rythmes politiques. Des secousses extrêmement importantes sont en cours. Il nous faut anticiper les difficultés à venir, alors que l’Union européenne réagit au jour le jour. Manque de vision stratégique de tous les responsables politiques et absence de gouvernance. Il ne faut plus penser à court terme politique, mais à long terme stratégique…
Les déclarations actuelles de nombreux responsables politiques européens sont à très court terme ; à un horizon de fin juin… malheureusement s’ouvrira dès le 27 et 28 juin une nouvelle séquence européenne dans laquelle des gages devront être donnés. En Grèce et en Espagne actuellement, comme en France durant la campagne présidentielle, nous assistons à l’entretien méticuleux du mensonge et donc à un déni de la démocratie…. Le saut ou le sursaut ne sera possible que par volonté politique. Ces politiques d’hier qui ont infantilisé les peuples, les manipulant, courent la planète, criant et instrumentalisant les événements afin de favoriser résignation, fatalisme, apathie, et pour certains, anesthésie des opinions publiques… Ces mêmes responsables, dans une sorte de charlatanisme agité, s’offusquent de la montée du populisme (de quelque bord qu’ils soient) qui n’est qu’illusion de mots et d’annonces…
Comment faire parvenir aux différents peuples le discours de vérité ? Sommes-nous à ce point naïfs pour croire être seuls à connaître des problèmes structuraux ? Sommes-nous à ce point aveugles pour ne pas reconnaître que ces problèmes, nous en sommes les créateurs ? ? Avons-nous encore du respect, y compris et d’abord vis-à-vis de nous-mêmes ? Christine Lagarde n’a, ni commis d’impair, ni tenu des propos choquants ; même si nous ne devons pas comparer les misères et pauvretés. Ce qui est choquant, ce sont les réactions de responsables politiques ; y compris de certains ex-candidats à la Présidentielle Française… Le spectacle que l’Union européenne, France en tête, offre au monde est totalement indécent !