Nucléaire et AAA+


A la lecture de diverses déclarations récentes (Jean-Vincent Placé, Michel Rocard et Noël Mamère notamment) reprises et reformulées par quelques articles (Paul Quiles), l’heure des « ajustements » budgétaires, à l’évidence, ne favorise pas la réflexion stratégique… Ce n’est pas la dissuasion nucléaire qui stérilise la pensée stratégique, mais plus justement les considérations stratégiques immédiates et erronées d’hier qui nous expliquent que faire demain avec des formules aussi lapidaires et simplificatrices que leurs propres visions stratégiques : l’arme nucléaire n’a plus aucun sens, elle est donc inutile et coûteuse !
Bien évidement la question du coût ne peut être éludée mais tout questionnement sur le coût de notre dissuasion doit être posé autrement : que devra perdre la France en terme de souveraineté, d’intérêts et d’autonomie pour contrebalancer les coûts de la dissuasion nucléaire ? Et inversement que devra payer (financièrement) la France pour préserver les mêmes avantages que ceux procurés par le nucléaire en termes de souveraineté, d’intérêts, de droit à la parole et d’autonomie en cas d’abandon ? Pour la France, plus que jamais, de la dissuasion nucléaire et de la force qui s’en dégage, naît la force politique qui en émane. La dissuasion est donc une cohérence, un langage, un comportement mais aussi et surtout une exigence : être crédible.
Dès lors, ceux qui prônent, parfois pour de simples raisons budgétaires, l’abandon du nucléaire, en empruntant parfois la forme d’une proposition d’un simple maintien des capacités actuelles sans volonté de pérennisation et de modernisation, condamne l’Union européenne et surtout la France à l’impuissance dans les temps à venir. Or, c’est pourtant bien l’arme nucléaire dans toute la complémentarité issue de ces deux composantes, qui octroie sa stature à notre pays. Et demain, c’est elle seule, au-delà des réflexions stratégiques légitimes actuelles, qui donnera à notre pays une garantie globale de sécurité.
Notre capacité à nous défendre demain, se mesurera très précisément à l’aune de notre détermination politique actuelle. Le maintien de notre posture de « stricte suffisance » trouve notamment sa justification dans ce contexte géostratégique. Alors que ne s’estompent pas pour les décennies à venir la possibilité d’un affrontement dual ; les tensions régionales ou « zonales », longtemps tues, s’expriment avec force et violence, essaimant à travers le monde pour recomposer les équilibres régionaux, et autres…. A cela s’ajoute un accès toujours plus grand et rapide à l’information et à l’image qui ne fait que renforcer le facteur exacerbation des frustrations de populations qui se sentent déracinées, punies, frustrées et ghettoïsées dans un monde globalisé. Ces mêmes populations s’entassent dans des mégalopoles, confrontées à une raréfaction des ressources, à une oppression politique et dessinent une géopolitique du ressentiment, exploitée par des fondamentalismes religieux.
Le Président de la République sera guetté sur de possibles évolutions concernant la notion d’emploi de l’arme nucléaire. Le socle de la doctrine nucléaire française est la volonté d’octroyer à l’arme nucléaire un rôle fondamentalement politique. L’arme nucléaire, créée pour empêcher Verdun (plus jamais cela !) ne saurait être une arme d’emploi (c’est-à-dire un outil militaire utilisable au même titre que les autres), ni même un moyen de coercition. Mais, véritable voix de la France sur la scène internationale par la puissance qu’elle lui confère, il s’agit aussi de pouvoir affirmer que la France ne dépend d’aucune autre puissance pour ce qui est de sa survie. Cette affirmation de puissance repose sur la crédibilité politique de l’arme qui repose elle-même sur une double crédibilité, technique et opérationnelle, qui passe par la mise à disposition envers le Chef de l’Etat de systèmes nucléaires fiables et efficients.
Pour ce faire, et a contrario de la Grande-Bretagne, la France a toujours maintenu la maîtrise nationale de l’ensemble des technologies, des outils scientifiques et industriels afférents, mais aussi et surtout une totale indépendance dans la planification, le déploiement et la décision d’emploi des différents systèmes d’armes composant la dissuasion nucléaire. De là, diversification des moyens, permanence, et moyens de renseignements et de communication adaptés. De là, le dimensionnement de l’outil nucléaire avec le maintien de deux types de moyens aux caractéristiques techniques différentes et complémentaires : des missiles balistiques équipant la composante océanique, emportés par des sous-marins, et des missiles à trajectoire aérobie pour la composante aéroportée. Ce maintien est impératif pour crédibiliser notre système. Nous n’avons qu’un choix : poursuivre ou abandonner.
Nous sommes une puissance stratégique AAA+, il convient de le rester !

Citation…


Une courte citation de Winston Churchill qu’il conviendrait de méditer en ces temps où il est de bon de villipender les chefs d’entreprises et créateurs de richesse :
« On considére le chef d’entreprise comme un homme à abattre, ou une vache à traire. Peu voient en lui le cheval qui tire le char ».

Faux débats, vrais sujets…


Notre modèle de vie, ce que nombres de commentateurs nomment modèle de société n’est pas compatible avec d’autres modèles dans une même zone… De ce constat simple découle une cruelle vérité : pourquoi une union monétaire et une mutualisation des dettes ? La France vit dans une bulle confortable : pas de véritable baisse du pouvoir d’achat, retraites préservées, aides sociales, santé, …les Français n’ont pas le sentiment d’une crise catastrophique. Ont-ils conscience des ajustements nécessaires, des décrochages économiques, mais aussi du probable défaut de certains organismes financiers européens ? La France doit profiter – rapidement – du reste de crédit que les marchés financiers lui accordent pour prendre les mesures qui s’imposent…
Or, la France veut régler les problèmes de la zone euro avec le crédit de l’Allemagne, ce que, bien évidemment, les Allemands ne veulent pas… Mais, lorsque Merckel prend Cameron à témoin, il ne s’agit pas d’un changement d’alliance ni de la fin du couple Franco-allemand… Elle ne fait qu’indiquer à François Hollande qu’elle peut, elle aussi, modifier la donne. En réalité, la France et l’Allemagne sont indissociables dans le rétablissement de la confiance à l’échelle européenne, alors même que le périmètre de la zone euro va être repensé… Crise des subprimes, crise financière, crise des dettes souveraines, crise de la disparité de la zone euro…nous sommes entrés désormais dans une crise de l’euro… L’implosion de la zone euro viendra (ou pas) de l’implosion du système bancaire…
Différents pays du sud tentent de faire chanter l’Allemagne au risque de faire imploser / exploser l’ensemble du système européen. En Europe, l’Espagne est en ligne de mire, l’Italie sera prochainement attaquée, alors que l’Allemagne va connaître à son tour une pression bancaire et que la France constitue autant le maillon faible que le pays pivot. Nous pouvons anticiper que l’Allemagne sera mise en difficulté à l’automne ; la France avant…
Nous devons regarder la réalité, y compris lorsqu’elle est désagréable…. Le rapport de forces entre européens se tend tandis que le consensus politique disparaît… L’une des questions fondamentales qui se pose aujourd’hui concerne la capacité des sociétés européennes à supporter un certain nombre de tensions… L’union européenne est dans un processus régressif… La liberté est fragile : les quatre libertés du marché unique (biens, personnes, capitaux, services) mais plus encore les libertés fondamentales… L’union européenne peut-elle sombrer ?
Le vote grec sera donc déterminant. Attention toutefois là à ne pas confondre rationalité et épreuve des faits. Il n’est pas rationnel d’imaginer que la Grèce quitte la zone euro ; cela ne signifie pour autant pas que cette sortie n’aura pas lieu… Et le cas ne sera pas isolé ; réaction en chaîne de défauts souverains de la Grèce à l’Espagne, de l’Italie au Portugal et à la France…de l’Europe à l’Amérique, mais aussi à l’Asie…
Parallèlement nous assistons à la fin de l’ère dollar (que Hong-Kong anticipe aussi). La puissance américaine, à l’instar de celles des pays composant la vieille Europe ; à défaut de redressement ; repose sur des bases déclinantes. Si la Russie se comporte relativement bien, les tendances à moyen terme sont elles aussi inquiétantes. La croissance ralentit en Asie et tout particulièrement en Chine. Comment interpréter la troisième baisse des réserves bancaires chinoises ? Sa production industrielle est, elle aussi, en forte diminution. Il en est de même en Inde. Au Brésil, la croissance ralentit aussi. Autant de zones économiques différentes dans lesquelles les modèles de croissance, sont, ou vont être, remis en cause…
Crise de modèles. Le monde ancien que nous avons créé est en train de disparaître. L’ancien monde meurt. Nouveaux modèles de croissance nécessaire mais aussi nouveaux modèles politiques. Le monde nouveau commence à naître… difficilement. Nous sommes au bout des solutions classiques. Il faut aller au-delà et aboutir. Les lames de fond sont là, autant de circonstances précipitant les rythmes politiques. Des secousses extrêmement importantes sont en cours. Il nous faut anticiper les difficultés à venir, alors que l’Union européenne réagit au jour le jour. Manque de vision stratégique de tous les responsables politiques et absence de gouvernance. Il ne faut plus penser à court terme politique, mais à long terme stratégique…
Les déclarations actuelles de nombreux responsables politiques européens sont à très court terme ; à un horizon de fin juin… malheureusement s’ouvrira dès le 27 et 28 juin une nouvelle séquence européenne dans laquelle des gages devront être donnés. En Grèce et en Espagne actuellement, comme en France durant la campagne présidentielle, nous assistons à l’entretien méticuleux du mensonge et donc à un déni de la démocratie…. Le saut ou le sursaut ne sera possible que par volonté politique. Ces politiques d’hier qui ont infantilisé les peuples, les manipulant, courent la planète, criant et instrumentalisant les événements afin de favoriser résignation, fatalisme, apathie, et pour certains, anesthésie des opinions publiques… Ces mêmes responsables, dans une sorte de charlatanisme agité, s’offusquent de la montée du populisme (de quelque bord qu’ils soient) qui n’est qu’illusion de mots et d’annonces…
Comment faire parvenir aux différents peuples le discours de vérité ? Sommes-nous à ce point naïfs pour croire être seuls à connaître des problèmes structuraux ? Sommes-nous à ce point aveugles pour ne pas reconnaître que ces problèmes, nous en sommes les créateurs ? ? Avons-nous encore du respect, y compris et d’abord vis-à-vis de nous-mêmes ? Christine Lagarde n’a, ni commis d’impair, ni tenu des propos choquants ; même si nous ne devons pas comparer les misères et pauvretés. Ce qui est choquant, ce sont les réactions de responsables politiques ; y compris de certains ex-candidats à la Présidentielle Française… Le spectacle que l’Union européenne, France en tête, offre au monde est totalement indécent !