Les arbres ne montent pas au ciel


Les derniers chiffres de l’économie américaine sont encore plus mauvais que les précédents. La production industrielle américaine est une nouvelle fois en baisse. Nous assistons au début d’une phase de début de récession (- 0,54), tandis que les investissements baissent depuis 6 mois et que les salaires et revenus personnels chutent. Les ventes en gros sont en baisse pour le huitième mois consécutif (ce qui explique en corollaire la hausse des stocks). Officiellement, le chiffre du PIB va être revu à la baisse, alors qu’il était de + 0,5% !
Plus encore, la Présidente de la FED semble ne plus comprendre : il y a seulement quinze jours, elle déclare qu’il n’existe aucune bulle…. Et la semaine dernière, Yelen nous déclare conjointement à Christine Lagarde qu’il existe une bulle des actions… (ce que nous décrivons depuis de nombreux mois). Bref, nous assistons de la part des responsables des banques centrales à une perte totale de compréhension et de contrôle… Et, cette bulle des actions se rapproche étrangement de celles de 1928…. Or, 1929 à suivi 1928…

Les chiffres chinois d’exportation officiellement publié montrent une baisse de 15%, les importations chutent de 12,3%. Le ralentissement de l’économie chinoise est beaucoup plus brutal que ce que les chiffres montrent engendrant une vraie préoccupation des autorités chinoises. La Chine est confrontée à une problématique majeure : elle fait face à une bulle de crédit gigantesque en parallèle d’un ralentissement de croissance extrêmement fort (7% de croissance officielle ; en réalité entre 2 et 3% !). La Chine est donc coincée entre un ralentissement économique important qui demanderait un élargissement du crédit et une baisse des taux, mais sa bulle de crédit exige une réduction de ses lignes de crédit.

La Chine s’éteint, le Brésil s’arrête, les émergents chutent les uns après les autres, le Japon poursuit sa (lente) agonie, les Etats-Unis ont fortement ralenti et se préparent à une récession, l’Union européenne se rattache aux prévisions de l’OCDE… Ainsi, ce que vit actuellement le Brésil était prévisible et son déroulement décrit par avance : hyperinflation, accident de croissance, crise brutale et sévère.

Il n’y a pas de reprise en Europe. Certes, la baisse temporaire du Pétrole conjuguée à celle de l’euro (parité euro/dollar) a procuré un « bol d’air » comptable sans augmentation des marges des entreprises. Plus encore, la baisse de prix de l’énergie a plus induit en réalité un déplacement de consommation et moins une augmentation de consommation. Nous assistons d’ailleurs au même phénomène en ce moment aux Etats-Unis.
En Espagne, le chômage repart à la hausse (27%) tandis que la croissance allemande elle-même s’essouffle. Les négociations en Grèce tournent à la « Comedia Del Arte ». Le Grexit ne fait plus peur car « intégré ». Mais, intégré psychologiquement car il ne faut pas confondre deux choses totalement différentes : s’attendre à la sortie de la Grèce de l’euro est différent de la « douleur » qui en résultera : nous ne maitrisons pas les conséquences financières ni les conséquences politiques intra-européenne, intra zone euro, mais aussi comme déjà souligné les conséquences géopolitiques. Les Grecs ne peuvent pas payer. Actons-le, mais préparons-le y compris en termes de conséquences… ce que nous aurions dû faire il y a plus de quatre ans déjà.
Il est à ce titre étonnant que le pouvoir grec issu des urnes n’ait pas été plus « brutal » que cela dans les négociations. Pour qu’un pays fasse défaut, il convient à ce dernier de ne plus avoir de déficit public (hors charges financières) et qu’il n’y ait plus de déficit courant, c’est-à-dire une balance commerciale équilibrée. Les Grecs n’en sont pas si éloignés. Les efforts ont été faits par les gouvernements précédents : les déficits publics hors charges financières sont globalement satisfaisant et la balance commerciale en partie équilibrée. Mais, le gouvernement grec n’a pas mis en place un contrôle des capitaux afin de restreindre la fuite de ces derniers ; 15 milliards de capitaux qui partent en un mois, c’est 7,5% du PIB de la Grèce qui quitte le pays.
Si, en janvier 2015, le gouvernement grec avait fait défaut et conjointement instauré un contrôle des capitaux, c’est 120% du PIB de dettes qui auraient disparu tandis que restaient 35% de dettes, détenues par des grecs… un défaut presque parfait !
Pourquoi ne l’ont-ils pas fait ? Et, pourquoi le feraient-ils maintenant ? Il convient donc d’être extrêmement prudent sur le sujet. Nous sommes dans une décision politique, ce qui signifie déjà en préambule que cette décision n’est ni automatique ni logique. Elle est binaire : oui versus non. Vous la prenez ou vous ne la prenez pas. Bref, dans ce deal, nous sommes en négociations de marchands de tapis…

Etonnante et paradoxale logique : les chiffres économiques sont mauvais mais les indices boursiers sont bons. Nous sommes, dans le gonflement d’une bulle (+ 27% en un trimestre) : le QE européen à un effet d’éviction, les capitaux se fixent en Europe (avec de plus la crainte sur les émergents). Plus encore, la politique monétaire européenne mise en place favorise la suppression de l’épargne et l’augmentation de la dette des Etats. Personne ne maîtrise la situation, tout le monde tente de repousser les problématiques et de gagner du temps…
Peu importe les fondamentaux, les éléments financiers sont là pour permettre aux marchés de monter et de se maintenir à des niveaux qui ne correspondent en rien à la réalité. Les gens achètent aujourd’hui en bourse un papier, dont la valeur boursière ne correspond en rien à la valeur réelle. Les marchés financiers sont actuellement guidés uniquement par les liquidités.
Nous n’avons jamais vu, historiquement parlant, de tels taux de marge sur les marchés financiers. Deux scénarii sont alors prévisibles d’ici la fin de l’année : soit une poursuite de la bulle puis une baisse continue par paliers ; soit (malheureusement le plus probable), un décrochage des marchés boursiers de l’ordre de 20% pour certains, plus certainement de l’ordre de 30 à 35% (avec pour effet, un « train » de faillite).

Faux débats, vrais sujets…


Notre modèle de vie, ce que nombres de commentateurs nomment modèle de société n’est pas compatible avec d’autres modèles dans une même zone… De ce constat simple découle une cruelle vérité : pourquoi une union monétaire et une mutualisation des dettes ? La France vit dans une bulle confortable : pas de véritable baisse du pouvoir d’achat, retraites préservées, aides sociales, santé, …les Français n’ont pas le sentiment d’une crise catastrophique. Ont-ils conscience des ajustements nécessaires, des décrochages économiques, mais aussi du probable défaut de certains organismes financiers européens ? La France doit profiter – rapidement – du reste de crédit que les marchés financiers lui accordent pour prendre les mesures qui s’imposent…
Or, la France veut régler les problèmes de la zone euro avec le crédit de l’Allemagne, ce que, bien évidemment, les Allemands ne veulent pas… Mais, lorsque Merckel prend Cameron à témoin, il ne s’agit pas d’un changement d’alliance ni de la fin du couple Franco-allemand… Elle ne fait qu’indiquer à François Hollande qu’elle peut, elle aussi, modifier la donne. En réalité, la France et l’Allemagne sont indissociables dans le rétablissement de la confiance à l’échelle européenne, alors même que le périmètre de la zone euro va être repensé… Crise des subprimes, crise financière, crise des dettes souveraines, crise de la disparité de la zone euro…nous sommes entrés désormais dans une crise de l’euro… L’implosion de la zone euro viendra (ou pas) de l’implosion du système bancaire…
Différents pays du sud tentent de faire chanter l’Allemagne au risque de faire imploser / exploser l’ensemble du système européen. En Europe, l’Espagne est en ligne de mire, l’Italie sera prochainement attaquée, alors que l’Allemagne va connaître à son tour une pression bancaire et que la France constitue autant le maillon faible que le pays pivot. Nous pouvons anticiper que l’Allemagne sera mise en difficulté à l’automne ; la France avant…
Nous devons regarder la réalité, y compris lorsqu’elle est désagréable…. Le rapport de forces entre européens se tend tandis que le consensus politique disparaît… L’une des questions fondamentales qui se pose aujourd’hui concerne la capacité des sociétés européennes à supporter un certain nombre de tensions… L’union européenne est dans un processus régressif… La liberté est fragile : les quatre libertés du marché unique (biens, personnes, capitaux, services) mais plus encore les libertés fondamentales… L’union européenne peut-elle sombrer ?
Le vote grec sera donc déterminant. Attention toutefois là à ne pas confondre rationalité et épreuve des faits. Il n’est pas rationnel d’imaginer que la Grèce quitte la zone euro ; cela ne signifie pour autant pas que cette sortie n’aura pas lieu… Et le cas ne sera pas isolé ; réaction en chaîne de défauts souverains de la Grèce à l’Espagne, de l’Italie au Portugal et à la France…de l’Europe à l’Amérique, mais aussi à l’Asie…
Parallèlement nous assistons à la fin de l’ère dollar (que Hong-Kong anticipe aussi). La puissance américaine, à l’instar de celles des pays composant la vieille Europe ; à défaut de redressement ; repose sur des bases déclinantes. Si la Russie se comporte relativement bien, les tendances à moyen terme sont elles aussi inquiétantes. La croissance ralentit en Asie et tout particulièrement en Chine. Comment interpréter la troisième baisse des réserves bancaires chinoises ? Sa production industrielle est, elle aussi, en forte diminution. Il en est de même en Inde. Au Brésil, la croissance ralentit aussi. Autant de zones économiques différentes dans lesquelles les modèles de croissance, sont, ou vont être, remis en cause…
Crise de modèles. Le monde ancien que nous avons créé est en train de disparaître. L’ancien monde meurt. Nouveaux modèles de croissance nécessaire mais aussi nouveaux modèles politiques. Le monde nouveau commence à naître… difficilement. Nous sommes au bout des solutions classiques. Il faut aller au-delà et aboutir. Les lames de fond sont là, autant de circonstances précipitant les rythmes politiques. Des secousses extrêmement importantes sont en cours. Il nous faut anticiper les difficultés à venir, alors que l’Union européenne réagit au jour le jour. Manque de vision stratégique de tous les responsables politiques et absence de gouvernance. Il ne faut plus penser à court terme politique, mais à long terme stratégique…
Les déclarations actuelles de nombreux responsables politiques européens sont à très court terme ; à un horizon de fin juin… malheureusement s’ouvrira dès le 27 et 28 juin une nouvelle séquence européenne dans laquelle des gages devront être donnés. En Grèce et en Espagne actuellement, comme en France durant la campagne présidentielle, nous assistons à l’entretien méticuleux du mensonge et donc à un déni de la démocratie…. Le saut ou le sursaut ne sera possible que par volonté politique. Ces politiques d’hier qui ont infantilisé les peuples, les manipulant, courent la planète, criant et instrumentalisant les événements afin de favoriser résignation, fatalisme, apathie, et pour certains, anesthésie des opinions publiques… Ces mêmes responsables, dans une sorte de charlatanisme agité, s’offusquent de la montée du populisme (de quelque bord qu’ils soient) qui n’est qu’illusion de mots et d’annonces…
Comment faire parvenir aux différents peuples le discours de vérité ? Sommes-nous à ce point naïfs pour croire être seuls à connaître des problèmes structuraux ? Sommes-nous à ce point aveugles pour ne pas reconnaître que ces problèmes, nous en sommes les créateurs ? ? Avons-nous encore du respect, y compris et d’abord vis-à-vis de nous-mêmes ? Christine Lagarde n’a, ni commis d’impair, ni tenu des propos choquants ; même si nous ne devons pas comparer les misères et pauvretés. Ce qui est choquant, ce sont les réactions de responsables politiques ; y compris de certains ex-candidats à la Présidentielle Française… Le spectacle que l’Union européenne, France en tête, offre au monde est totalement indécent !