Un président nouvellement élu.


Un président nouvellement élu.
Un président légal car élu à la majorité des votants, mais comme nous l’avons déjà dit, illégitime car ne représentant qu’un tiers de l’électorat français d’adhésion face à un tiers de votes radicaux, et plus alarmant, 5,8 millions de votes blanc et nuls. Pour autant un Président légal et en capacité car la philosophie de la Vème république est que l’aptitude (ou non) de présider la France relève, non pas d’une quelconque expérience, d’un diplôme ou d’un savoir ; mais de la légitimité issue de la désignation par le peuple de France.
Un Président élu donc, essentiellement par la cohérence d’avoir su se poser comme n’étant pas l’Autre….Il n’a pas convaincu ; l’a-t-il seulement cherché ; mais plus habillement il a su charmer. L’histoire racontée fut belle…
D’abord au regard de la situation de la France. Plusieurs années d’efforts seront nécessaires pour faire œuvre de redressement. Seul un consensus politique pourra nous le permettre. Nous ne l’avons pas; nous ne l’aurons pas, car nous sommes exclusivement dans le débat idéologique… Le modèle social français implose mais le débat n’a pas su (ou pas voulu) le dire. La France ; n’en déplaise à certains intellectuels bien-pensants ; a depuis plus de trois décennies un problème endémique : celui du chômage. La problématique de l’emploi est primordiale, car elle mine à la fois notre système économique et notre soi-disant modèle social, ce fameux modèle si peu copié. Or, nous privilégions la protection de l’emploi au lieu et place des personnes. Il convient de réinventer (et non de réformer) le cadre de l’emploi. Combien de temps refuserons-nous de voir ce que représente le bouleversement de l’économie? Refonder, plus encore, réinventer le travail, l’économie, l’école ne doivent pas être de vaines formules incantatoires… .Dans ce contexte, les euro-bonds reviennent à la mode… valorisant le choix européen car octroyant le prétexte à ne pas faire les réformes structurelles, au profit de la nouvelle incantation : croissance, croissance… et de nouveaux prédicateurs économiques.
Financer la croissance ? Vœu pieux… La croissance ne se décrète pas mais se prépare et se construit dans le temps long, dans la durée et dans la cohérence. La croissance ne vient pas de la dépense publique ; si tel était le cas, trente années de dépenses publiques françaises effrénées dans différentes politiques de soutien à la croissance économique nous l’auraient déjà prouvé…Il n’y aura pas de croissance demain si nous n’engageons pas aujourd’hui les réformes structurelles nécessaires… Il convient à ce titre de lire le rapport de l’IFRAP intitulé 100 jours pour réformer la France
Le Président élu devra donc très vite modifier ses perspectives, notamment budgétaires, afin de crédibiliser tout à la fois son programme économique, sa démarche politique, mais aussi son statut de Président… A défaut, nous risquerions fortement d’être dès la rentrée prochaine en situation de blocage stratégique.
Parallèlement, les rendez-vous internationaux n’attendent pas la floraison d’un « état de grâce ». La rencontre du Président nouvellement élu avec la Chancelière Allemande sera la première étape de la confrontation avec le réel. La suivante, avec le Président des Etats-Unis, doit aborder de douloureux problèmes stratégiques… Une fois de plus, les véritables enjeux seront escamotés, au profit de paroles lénifiantes. Combien de temps encore pourrons-nous ignorer qu’autour de nous le monde connaît des soubresauts dont, bientôt nous ressentirons les conséquences?
De fait, plus que notre 6 mai 2012, les élections en Grèce se rappellent à nous et nous contraignent d’emblée à nous projeter dans notre environnement, et notamment nous confrontent à la désarticulation de la zone euro… La sortie de la Grèce risque fort de conduire à un scénario d’emballement sur le Portugal et l’Espagne, voir sur la France. En ce sens, le choix politique est réduit. L’Espagne en sera l’exemple puis le symbole. Au-delà, l’Allemagne changera-t-elle de politique au profit des pays européens dont la France ? Sera-t-elle prête à effectuer des transferts budgétaires massifs vis-à-vis des pays du sud ? Ou bien l’Allemagne suivra-t-elle son propre projet et agenda ? On y reviendra…
Pour le Président nouvellement élu, les ennuis commencent donc…

Quels résultats ?


Quelles analyses des résultats de ce premier tour des élections présidentielles, dans ce qui ressemble pour la France, à un champ de ruines avant l’heure ?
La campagne a été primaire et relativement pathétique, ne correspondant à aucun moment aux véritables enjeux de notre pays. De fait, le discours politique s’est cantonné à l’affirmation de certitudes et d’évidences… Aucun grand discours mobilisateur avec une vision. La question centrale n’est pas de définir les mesures qui comptent, nous les connaissons et les français les connaissent ; mais bien de définir leur supportabilité, c’est-à-dire en réalité de poser et définir les trajectoires de sorties… vivrons-nous mieux dans 5 ans, 10 ans, qu’aujourd’hui ?
La réponse, pour évidente soit-elle ne va pas sans le dire ! Et donc, collectivement définir les bénéfices des « réformes » attendues permettant au corps social d’encaisser ces fameuses réformes qui ne serviront à rien tant l’ampleur demande en réalité de réinventer… Ainsi de l’école, des retraites, de la santé, de la protection sociale ou encore du travail… Et de l’Union européenne… Mais pour cela il faut modifier le cadre de raisonnement et donc in fine le système lui-même. Se pose alors la question de la capacité à emmener la nation, alors que la situation réelle de la France est niée par les différents candidats… La France est déjà l’Espagne, mais elle ne connaît pas encore l’austérité grâce au parapluie allemand !
Concernant l’appréciation des résultats, le taux de participation signifie que l’offre politique dans sa diversité était satisfaisante. Au-delà, cela confirme d’abord et avant tout l’analyse de l’un de nos billets précédents : la France est déclassée, profondément et durablement divisée voir éclatée, mais aussi fiévreuse et désireuse de révolution. Nous entrons bien dans des temps prérévolutionnaires.
Le vote populiste était attendu, il fut au rendez-vous-même si les instituts de sondage connaissent (a priori) des difficultés à analyser le vote des électeurs radicaux. Mais plus encore, concernant l’appréciation de ce vote, défini exclusivement comme un vote de colère, un vote contestataire… Il y a désormais une idéologie sous-jacente, celle de la remise en cause du cadre de référence et du système, car ce dernier pour des millions de personnes ne fonctionne plus. Voilà aussi pourquoi il est nécessaire de cesser toute idée de réforme et réinventer un cadre, un système social et économique permettant à la fois croissance et justice sociale. C’est certainement là où le Président Nicolas Sarkozy a failli. Les réformes annoncées par lui n’ayant pas toutes opérées (y compris le slogan « travailler plus pour gagner plus »), le système est défini comme inopérant. L’hypocrisie politique française est de ne pas accepter la revendication d’une action politique que l’on sait nécessaire mais que l’on ne veut pas voir évoquée. Et nous retrouvons cette idéologie populiste patrimoniale (suivant l’expression de Dominique Reynié) autant au FN qu’au FDG…
L’austérité est une politique. La croissance n’en est pas une et ne se décrète pas, y compris par son inscription dans un traité. Cette incompréhension économique réelle de part et d’autre va de pair avec la confusion entre le long et le court terme, entre l’équilibre budgétaire et l’éternelle dichotomie hausse des impôts / baisse des dépenses (quel que soit le Président élu, nous assisterons à une hausse de la TVA et de la CSG dans une clé de répartition de l’ordre de 40% de hausse des impôts et 60% de baisse des dépenses).
Au-delà, et plus fondamentalement, la dette française dépassera les 90% du PIB, contraignant le prochain Président à une politique incontournable induisant les conséquences déjà mises en évidence dans un billet précédent et ayant (déjà) provoqué une levée de boucliers de la part de responsables politiques…qui pourtant livreront globalement la même bataille, avec des instruments et des raisonnements intellectuels surannés !

LW